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Le projet

Créée par Les Jardins de Cocagne – Solidarité Nord et Sud et Semences de pays, l’exposition itinérante «Semenciers, semencières – Au Nord et au Sud, un artisanat du vivant» est bien plus qu’une présentation de photographies et de textes. C’est un appel à se questionner et à s’engager pour la biodiversité et des choix visant à une souveraineté alimentaire. Mais de quoi parle-t-on plus exactement ? La souveraineté alimentaire désigne le droit d’une population à définir sa politique agricole et alimentaire, sans nuire à d’autres populations.

L’originalité de l’exposition réside notamment dans le parti-pris artistique. Les photographes Elisa Larvego, Christian Lutz et Serge Boulaz sont allé·es à la rencontre de celles et ceux qui œuvrent dans les champs et les serres au quotidien. Elisa Larvego et Christian Lutz se sont rendus en Suisse et en France voisine, tandis que Serge Boulaz a visité différents projets au Sénégal, où les Jardins de Cocagne – Solidarité Nord et Sud soutiennent des initiatives paysannes depuis près de 40 ans. Les trois photographes proposent ainsi leur interprétation artistique de l’artisanat semencier. Au final, ce sont une quarantaine d’images et une dizaine de panneaux explicatifs qui composent l’exposition, avec notamment des témoignages de semenciers et semencières du Nord et du Sud. Car si certains enjeux diffèrent entre ces deux régions, les questions centrales dont traitent l’exposition sont identiques.

L’exposition sous sa forme actuelle est composée de toiles Polytex, dont 4 en 130×101 cm et 56 en 100×78 cm, qui peuvent être fixées aux murs à l’intérieur de bâtiments. Elle est légère et facilement transportable. L’exposition d’origine comportait des structures en bois et était conçue tant pour l’intérieur que pour l’extérieur.

Présentation de l’exposition à Onex, août 2021

Visionner l’émission « Esprit solidaire » de Léman Bleu (31.08.2021)

Visionner le reportage de TV-Onex sur l’exposition (30.08.2021)

Lire l’article du Courrier « Semer librement le bien commun » (08.12.2021)

Jardins de Cocagne – Solidarité Nord et Sud

Jardins de Cocagne – Solidarité Nord et Sud est une branche des Jardins de Cocagne, une coopérative participative genevoise de production et de consommation de légumes biologiques née en 1978 et regroupant 450 familles membres. Un pour cent de la valeur de la production est versé pour les projets en Afrique.

Depuis 1984, l’association accompagne directement, et dans la durée, des organisations paysannes et des communes dans la région du bassin du fleuve Sénégal, à cheval sur le Sénégal, le Mali et la Mauritanie. Elle appuie également un programme de prévention du VIH/sida. Membre de la Fédération genevoise de coopération, ses projets bénéficient du soutien des collectivités publiques genevoises et de la DDC.

Les projets visent non seulement le développement de l’agriculture familiale dans le respect de l’environnement et des principes de la souveraineté alimentaire, mais aussi des formes démocratiques d’organisation sociale et la défense des droits des paysans et paysannes. Ils renforcent les liens sociaux et favorisent la solidarité. Toutes les organisations partenaires ont continué leurs activités après la fin de l’appui financier extérieur.  

L’association mène également un travail de sensibilisation en Suisse, notamment à travers des expositions et des interventions dans les écoles. Les précédentes expositions concernaient la migration et les paysans au Nord et au Sud.

Semences de pays

Cette association perpétue une tradition bien genevoise, Genève étant considérée comme le berceau de la culture maraîchère suisse. Depuis 2009, Semences de pays sélectionne, maintient et multiplie des semences de variétés maraîchères issues principalement de sélections paysannes locales. Ces variétés, développées par les maraîchers des siècles passés, sont acclimatées et rustiques. Elles témoignent d’un savoir-faire et d’usages traditionnels, et représentent un précieux trésor de biodiversité locale, indispensable à l’avenir de l’agriculture.

L’association est installée sur le site de Belle-Idée à Chêne-Bourg (canton de Genève), à deux pas de la ferme de la famille Grosjean, qui a cultivé et sélectionné pendant 90 ans l’essentiel des variétés du Genevois proposées aujourd’hui. Dans les années 1970, Genève comptait encore 10 semenciers. La Ferme Grosjean fut le dernier semencier à cesser son activité en 2012.

Remerciements

  • Lamine Biaye et Alihou Ndiaye de l’Association sénégalaise de producteurs de semences paysannes (ASPSP), Thiès, Sénégal
  • Demba Niang, Samba Kâ, Moussa Ndiaye, Mamadou Diallo et Daouda Diarra, membres de l’Union des Producteurs horticoles de Bakel (Uphorbak)
  • Charlotte Aichholz, Noémi Uehlinger et Amadeus Zschunke de Sativa, Rheinau (ZH)
  • Tulipan Zollinger, Les Evouettes (VS)
  • Martin Brüngger de BioBrüngger, Courtelary et Safnern (BE)
  • Beate Schierscher-Viret, Agroscope de Changins (VD)
  • Olivia, Lionel, Dorota et Joël de Semences de pays, Chêne-Bourg (GE) 
  • Mathieu Buttex de Jardins de Cocagne, Sézegnin (GE)
  • Thomas Descombes de la Ferme des Verpillères, Choulex (GE)
  • Aloïs, Naïma, Matthieu, Sandra et Janine de la Ferme des Hauts de Marlioz, Haute-Savoie
  • Hélène et Seb du Chaperon vert, Annecy, Haute-Savoie
  • La Commune de Chêne-Bourg
  • Alfred Brungger, Jacques Falquet, Christophe Golay, Anne Gueye-Girardet
  • Adeline Senn et Martin Maeder, AMI

Soutiens

Impressum

  • Rédaction des textes : Joël Mützenberg, Renaud Christin et Paul Oberson
  • Direction artistique : Serge Boulaz
  • Chargée de projet : Gail Hunter
  • Administration et communication : Katia Staehli, Simply Comm’
  • Photographes : Elisa Larvego, Christian Lutz et Serge Boulaz
  • Membres du comité de Jardins de Cocagne – Solidarité Nord et Sud : Brigitte Studer (présidente), François Aubert, Serge Boulaz, Raeto Cadotsch, Renaud Christin, Mohamadou Gueye, Gail Hunter, Annette Zimmermann
  • Graphisme & conception : AMI
  • Scénographie : Nadia Crivelli
  • Site Internet : Roger Gaillard
  • Impression : Remarq
  • Impression brochure : Bahnhofstrasse

Juin 2021

Agenda

L’exposition itinérante sera visible aux dates suivantes:

  • 30 septembre 2024 1 novembre 2024

  • Collège de Candolle

  • Avenue Antoine-Marie Mirany 36
    1225 Chêne-Bourg

  • L’exposition a été présentée à:

  • - 7 au 26 juin 2021: Semences de pays (Chêne-Bourg)

    - 29 juin au 21 juillet 2021: Ecoquartier des Vergers (Meyrin)

    - 23 juillet au 19 août 2021: Piscine du Lignon (Vernier)

    - 20 août au 5 septembre 2021: Place du 150e (Onex)

    - 8 au 26 septembre 2021: Plan du Rhône (Dardagny - La Plaine)

    - 21 mai au 15 juin 2022: Parc Navazza (Lancy)

    - 6 au 31 mars 2023: Ecole de Commerce Raymond Uldry (Chêne-Bougeries)

    - 2 au 25 mai 2023: Lycée Blaise Cendrars (La Chaux-de-Fonds)

    - 31 octobre au 8 décembre 2023: Ecole de commerce Nicolas-Bouvier (Genève)

    - 11 décembre 2023 au 16 février 2024: Ecole de commerce et de Culture Générale Aimée-Stitelmann (Plan-les-Ouates)

    - 26 février au 15 mars 2024: CFP SHR I Service et Hôtellerie / Restauration (Grand-Lancy)

    - 18 mars au 5 mai 2024: Collège et Ecole de commerce André-Chavanne (Genève)

Textes

Semenciers, semencières

Qu’est-ce qu’une graine?

Rondes, allongées, ovales ou biscornues, petites, minuscules parfois. Les graines sont porteuses de toutes les possibilités du monde végétal. Un fruit juteux ? Une baie mortelle ? Un tronc immense ? Des feuilles amères ? Une fibre souple et incassable ? Bien des métamorphoses sont au programme !

On a de la peine à ne pas voir les graines comme de la matière inerte d’où la vie surgirait subitement, au contact de l’eau et de la chaleur. Mais une graine est bel et bien vivante, aussi vivante que la fleur dans laquelle elle a pris forme, aussi vivante que les racines qui en sortiront peut-être un jour. Les graines sont une étape du cycle végétal, de la même façon que tout œuf est un jour sorti d’une poule, et que toute poule est un jour sortie d’un œuf. 


Comment la diversité cultivée a-t-elle été créée par les paysans et paysannes?

Sauvages ou cultivées, les plantes de la même espèce se croisent entre elles. Chaque croisement donne une plante particulière, dont l’existence dépend de sa capacité à survivre sur le terrain où elle pousse. Ainsi, à partir d’une même plante vont se développer nombre de nouvelles formes adaptées aux milieux les plus divers.

Ces phénomènes naturels ont petit à petit été accompagnés par les paysans et paysannes, qui traditionnellement choisissent de récolter les graines des plantes qui correspondent le mieux à leurs objectifs.

En opérant ces choix année après année, en provoquant des croisements entre variétés plus ou moins éloignées ou en laissant les croisements se faire dans leur champ, en échangeant leurs graines, les paysans et paysannes accompagnent la transformation des plantes. Elles sont alors adaptées à la région géographique, au type de sol, au climat, à la culture locale et au goût des habitants et habitantes. 

Voilà ce qui a mené à la diversité des plantes cultivées que nous connaissons. Cette diversité est une “assurance” pour l’alimentation de l’humanité si une maladie, un ravageur ou un évènement climatique nuisait à la croissance d’une culture en particulier.

Or, selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), sur plus de 6’000 plantes cultivées dans l’histoire à des fins alimentaires, seules 200 contribuent aujourd’hui de manière substantielle à garnir nos assiettes. Et seulement 9 d’entre elles représentent les 2/3 de la production agricole totale : la betterave, le blé, la canne à sucre, le maïs, le manioc, le palmier à huile, la pomme de terre, le riz et le soja.


Comment cette diversité s’est-elle perdue en 100 ans?

Dès les années 1950, l’agriculture a été profondément transformée pour répondre aux besoins d’une population mondiale en forte augmentation, de plus en plus urbaine et qui sort d’une période de grande privation avec la guerre. Cet élan productiviste va passer par la mécanisation, l’irrigation massive, les engrais et les produits phytosanitaires (engrais, pesticides). Une restructuration agricole, avec des fermes de plus en plus grandes, a aussi permis d’industrialiser le secteur.

Parce que l’industrialisation a besoin d’éléments prévisibles, les États vont accompagner cette métamorphose du monde paysan en émettant des directives de standardisation. Ainsi, de même que les modèles de tracteurs ou les produits phytosanitaires sont standardisés, il faut que les plantes aussi soient massivement identiques et non pas différentes chez chaque paysan et paysanne et encore moins variables au sein du même champ. Les États ont donc créé des catalogues de variétés. Pour pouvoir inscrire une variété dans ces catalogues, le producteur doit prouver qu’elle est uniforme et stable, que toutes les graines sont pareilles (voir encadré n°1). Elles vont ainsi pouvoir répondre aux exigences de l’industrie alimentaire et du commerce de détail (forme, goût, calibrage pour le transport et l’empaquetage, … ). Cela élimine de fait les variétés paysannes.

Encadré n°1 : Inscription aux catalogues officiels

Le développement d’une sélection « scientifique » à la fin du 19ème siècle a conduit très rapidement à des populations de plantes plus ou moins homogènes, appelées variétés.

Par exemple, la tomate se décline en plusieurs centaines de variétés différentes : San Marzano, Green zebra, Rose de Berne, Cornue des Andes, etc.

L’essor de ces variétés, dans le cadre de l’industrialisation agricole, a été accompagné de la mise en place de catalogues officiels nationaux des variétés cultivées. Pour pouvoir être inscrite dans un catalogue officiel, une variété doit subir avec succès des épreuves prouvant que la variété proposée est distincte des variétés existantes (donc nouvelle), homogène (constituée de plantes identiques) et stable (identique année après année).

Ces critères doivent permettre d’identifier toute semence comme propriété privée de l’entreprise l’ayant inscrite au catalogue, les acheteurs n’acquérant qu’un droit d’usage limité, censé les empêcher de s’auto-approvisionner dans leur récolte pour leurs prochains semis.

De plus, pour les cultures stratégiques de l’agro-alimentaire, comme les céréales, il est exigé que les nouvelles variétés soient, sur des critères quantifiables donnés, supérieures aux précédentes. Ces critères, comme le rendement, la résistance à un champignon ou la précocité focalisent la sélection dans un éventail extrêmement restreint, et peu d’entreprises peuvent rester en compétition. 

L’utilisation des semences qui ne sont pas au catalogue n’est pas interdite, mais empêche d’accéder aux centrales d’achat, aux moulins et aux conserveries, dont les installations exigent des matières premières standardisées.

Ce n’est qu’en reconstruisant des filières complètes, de la semence au consommateur final, qu’on peut avoir à nouveau accès aux semences de notre choix.

Comment de nombreux paysans et paysannes sont devenus dépendant·es de l’industrie?

De plus, la mise au point de semences d’un type nouveau va changer la donne : les semences de type “hybride F1” (voir encadré n°2). Les plantes qui en résultent sont quasiment des clones. Ces semences ont également une particularité qui va intéresser l’industrie privée et saper l’autonomie paysanne: elles ne reproduisent pas les caractéristiques des plantes sur lesquelles elles ont été récoltées. Pour que leur récolte continue de répondre aux critères fixés par la grande distribution, les paysans et paysannes sont donc obligés de racheter des graines chaque année ! 

Cette dépendance est renforcée par la reconnaissance de droits de propriété intellectuelle sur les semences accordés à l’industrie au cours du 20ème siècle. Ces droits de propriété intellectuelle impliquent que les paysans et paysannes s’exposent à des sanctions civiles et, dans certains pays, même pénales, pour avoir conservé, réutilisé et échangé des semences conservées à la ferme.

Tant que les paysans et paysannes pouvaient replanter les graines cultivées, le marché des semences n’intéressait guère les entreprises privées. Au début des années 1980, des firmes multinationales actives dans la production d’engrais et de pesticides chimiques se sont mises à acheter les unes après les autres toutes les entreprises de production de semences, acquérant ainsi un monopole sur ce marché. Les plantes qu’elles proposent ont besoin des produits chimiques produits par ces entreprises. Les agriculteurs et agricultrices se voient proposer un forfait “semences + engrais + pesticides”. Ils vont donc devenir de plus en plus dépendants de ces firmes, alors que ces dernières vont voir leurs bénéfices s’accroître.

Encadré n°2 : les hybrides F1

Les paysans ont toujours provoqué des croisements entre plantes de même espèce. Ces croisements se produisent également spontanément dans la nature. Ainsi, les paysans combinent année après année les gènes de nombreuses plantes. Cela donne l’année suivante des plantes toutes légèrement différentes mais qui partagent globalement les caractères de la génération précédente.

Par exemple, il a fallu des centaines d’années pour que la sélection paysanne à partir de choux sauvages donne des choux-fleurs ou des choux de Bruxelles.[1]

La nouvelle méthode, appliquée dès les années 30, permet un croisement massif entre la descendance de deux plantes seulement. On les force d’abord à se reproduire avec elles-mêmes à plusieurs reprises, jusqu’à obtenir deux ensembles d’une grande pauvreté génétique due à l’absence d’apports extérieurs. C’est ce qu’on appelle la consanguinité dans le monde animal.

En les croisant ensuite massivement, on obtient des graines 100% identiques, permettant d’obtenir ces champs dont aucun épi ne dépasse, et tout ce dont a besoin une agriculture industrialisée, où les plantes sont aussi prévisibles que des briques Lego. Lors de ce croisement, les deux bagages génétiques qui avaient perdu l’habitude de la différence réagissent très fortement et cette réaction donne des graines aux caractères très marqués. Ces caractères, la résistance à un champignon par exemple, pour lesquels les paysans achètent ces graines particulièrement coûteuses, sont le fruit de ce premier croisement, dit F1 (de l’anglais first filial generation). Les prochaines générations n’en bénéficient plus et ne seront parfois même pas viables.Ainsi, avec ces semences de type “hybride F1”, les semenciers ont obtenu des variétés que les paysans ne peuvent pas reproduire eux-mêmes. Ils doivent donc les racheter à nouveau chaque année ! Le développement des variétés hybrides a donc causé la dépendance des paysans, et a divisé leur métier en deux : d’un côté le paysan utilisateur de semences, de l’autre le sélectionneur et producteur de semences. 

[1] En favorisant, chez l’un une inflorescence de plus en plus charnue, et chez l’autre le développement des bourgeons formant des petits choux à l’aisselle des feuilles.

Quels sont les grands enjeux actuels?

Aujourd’hui, un très petit nombre d’entreprises contrôle ce marché[1]. Dans les pays du Nord, cette concentration restreint fortement la diversité des recherches, d’où un nombre de variétés de plus en plus réduit.

Par contre, dans beaucoup de régions de pays du Sud, la pratique traditionnelle de la sélection et de l’échange reste pour l’instant la norme. C’est dans ces pays que l’offensive des multinationales semencières est la plus violente. Comment ces pays – et leur population paysanne – peuvent-ils résister à cette offensive et perpétuer une tradition qui assure leur sécurité alimentaire (voir encadré n°3) ?

Au-delà de ces dynamiques de monopole et de standardisation qui ont amené à la perte des 3/4 de la biodiversité cultivée que la pratique paysanne avait mis 10’000 ans à générer, de nouvelles menaces se sont accumulées : la production industrielle d’organismes génétiquement modifiés (OGM) et le brevetage de l’ADN des plantes (voir encadrés n° 4 et 5).

Encadré n°3 : pays du Sud sous pression

Dans les pays du Sud, la grande majorité des paysans utilisent, sélectionnent et s’échangent leurs propres semences. Ils perpétuent un savoir-faire, une tradition, garante du maintien d’une certaine biodiversité, de sécurité et d’autonomie alimentaires.

Au Nord, certains paysans ou artisans semenciers vont pouvoir développer ces mêmes pratiques, tant que leurs volumes de production et leurs cercles de vente restent marginaux. Mais pour la plupart des exploitations, l’utilisation de semences ne peut sortir du cadre des variétés inscrites aux catalogues officiels (voir encadré n°2). Cette utilisation est soumise à des standards internationaux sur la propriété intellectuelle des espèces végétales. De quoi s’agit-il ?

Deux traités définissent les formes de propriété intellectuelle sur les espèces végétales :

  • La convention internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) qui protège les droits des obtenteurs (les créateurs de variétés nouvelles) mais pas le droit aux semences des paysans.
  • L’accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC) de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui exige de protéger les espèces végétales par un brevet, mais prévoit également la possibilité de le faire par un système spécifique (qui permet par exemple de protéger les droits des obtenteurs et les droits des paysans sur leurs semences).

Tous les États membres de l’OMC ont accepté l’ADPIC. Les principales économies mondiales ont également ratifié UPOV afin de garantir les droits de leurs entreprises créatrices de variétés végétales (la Suisse notamment). La grande majorité des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie ne l’ont pas ratifiée. Les pays riches vont donc exiger lors d’accords de libre-échange avec des pays du Sud que ces derniers adaptent leur législation pour la mettre en conformité avec l’UPOV !

Conséquences ? La vente, la conservation, la réutilisation et l’échange de semences protégées deviennent interdites. Et les semences paysannes, par nature instables et non homogènes, ne peuvent prétendre à une protection par la convention. Le système traditionnel en vigueur dans les pays du Sud est donc menacé par ces accords !

Par exemple, suite à la signature d’un accord de libre-échange et à l’adhésion à UPOV, le gouvernement colombien a fait détruire et brûler les récoltes et les semences de paysans qui travaillaient encore de manière traditionnelle.

En 2018, l’AELE (Association Européenne de Libre-Échange) a conclu un accord de libre-échange avec l’Indonésie[1]. Ce pays a dû se plier aux normes UPOV, tout comme la Malaisie quelques années plus tôt. Des négociations semblables sont en cours avec les pays du Mercosur (Amérique latine), mais la menace d’un référendum freine le processus.

Ces accords démontrent qu’une pression sur l’autonomie et les savoir-faire paysans pèse sur l’immense majorité des producteurs des pays du Sud. Les pays du Nord exigent l’adhésion à UPOV, alors que l’ADPIC permet de concilier à la fois leurs intérêts et ceux des droits des paysans.

[1] La Suisse, qui en est membre, l’a accepté en votation populaire suite à un référendum en mars 2021.

Encadré n°4 : les semences OGM

Un organisme génétiquement modifié (OGM) est un être vivant dont le matériel génétique a été modifié en laboratoire, d’une manière qui, contrairement aux techniques d’hybridation, ne pourrait pas s’effectuer sans intervention humaine.

Les modifications génétiques se pratiquent depuis les années 70. Commercialement, leur utilisation est beaucoup plus récente : le premier OGM commercialisé a été cultivé aux États-Unis dès 1994. La production industrielle d’OGM a ouvert de nouvelles possibilités de privatisation du vivant, en brevetant les gènes modifiés comme des objets industriels.

Les OGM commercialisés sont cultivés dans une minorité de pays et sont à 99% des plantes « pesticides » : soit ilstolèrent un ou des herbicides (les plus connues sont les plantes RoundUp Ready, prêtes à recevoir leur dose de RoundUp), soit ils produisent une protéine insecticide ou encore les deux à la fois. Ils permettent un usage sans frein de ces produits toxiques, qui vont se retrouver dans les sols, dans l’eau et dans notre alimentation.

Mais en Europe, la population et les parlements sont méfiants face aux OGM. Ils imposent des moratoires ou demandent un étiquetage permettant d’être informé de la présence d’OGM dans les produits. En effet, le principe de précaution prévaut car les risques pour l’environnement, la biodiversité et la santé ont de la peine à être encore pleinement mesurés. 

Les grandes entreprises semencières cherchent alors comment contourner la question et développent des nouvelles techniques en jouant avec les zones floues des textes de lois définissant ce qu’est un OGM. Par exemple, elles vont insérer dans des cellules d’une plante un transgène (gène issu d’un OGM) qui va modifier des gènes qui étaient déjà présents dans cette plante, puis éliminer ce transgène tout en gardant les nouveaux traits génétiques qu’il a permis d’acquérir. Tout ADN étranger ayant été retiré, il ne reste dans cette plante que des gènes originaux mais transformés par le passage de l’OGM, ce qui rend difficile de prouver qu’il ne s’agit pas d’une mutation naturelle. L’absence d’ADN étranger permet de les commercialiser sans étiquetage OGM.

Encadré n°5 : brevetage de l’ADN des plantes

Il semble étrange qu’on puisse déposer un brevet sur un être vivant. C’est pourtant habituel dans le cas d’une plante qui a été transformée, et de nombreux hybrides sont ainsi brevetés. Mais actuellement, les entreprises veulent pouvoir breveter des segments d’ADN déjà existants à l’état naturel. Comme un brevet est censé protéger une invention, elles justifient ce brevetage par le fait qu’elles ont découvert une des fonctions de ce segment d’ADN.

Prenons le cas du piment sauvage de Jamaïque qui résiste naturellement au moucheron. L’entreprise bâloise Syngenta a pu isoler le segment d’ADN correspondant à cette résistance et le breveter : utiliser le piment sauvage qui en était porteur, ou toute autre plante en étant porteuse est donc soumis aux droits découlant du brevet, ce qui en restreint, voire interdit, l’utilisation. 

Comment redéployer une souveraineté semencière?

Les techniques de sélection et les réglementations, qui réservent la possibilité de produire des semences à de grandes entreprises industrialisées, mettent en danger de disparition l’immense héritage culturel de l’agriculture paysanne. La standardisation des productions industrielles et le brevetage du vivant profitent à une poignée d’entreprises au détriment de l’immense majorité de la population. Enfin, le modèle actuel d’agriculture, gourmand en produits toxiques et en ressources naturelles, fait peser une lourde menace sur la planète.

Comment dépasser un tel modèle ? Quelles alternatives ? Quelles résistances dans nos pays, pour que se mette en place une agriculture produisant une nourriture saine, plus respectueuse de l’environnement et du travail des paysans et paysannes ?

Après près de 20 ans de mobilisation de La Via Campesina (le mouvement international d’organisations paysannes représentant plus de 200 millions de paysans et paysannes à travers le monde), la Déclaration de l’ONU sur les droits des paysans a été adoptée en 2018. Cette déclaration reconnaît le droit des paysans et paysannes aux semences, et leur droit à la souveraineté alimentaire. Cette déclaration sera-t-elle mise en œuvre ? Et sera-t-elle efficace pour protéger les semences paysannes et stopper le déclin de la diversité agricole (encadré n°6) ?

Dernièrement, de plus en plus d’initiatives privilégiant les relations directes entre production paysanne, transformation et consommation locale se développent. Ces projets permettent de reprendre l’initiative et de construire des systèmes alimentaires sur une dynamique solidaire. Cette forme d’agriculture implique une production semencière elle aussi plus locale, celle des artisanes et artisans semenciers.

Par cette exposition nous voulons montrer comment ce métier artisanal est maintenu ou réinventé en Suisse, en France ou au Sénégal. La question des semences n’est pas uniquement une question de perte de biodiversité qui pourrait être réglée par des fondations philantropiques et quelques multinationales. Les désastres écologiques qui nous préoccupent sont étroitement liés à des questions politiques.

La nourriture est un aspect vital de notre quotidien, et la crise du coronavirus, mettant en évidence notre dépendance au marché mondialisé a été pour beaucoup l’occasion d’en prendre conscience et de chercher à s’approvisionner directement chez les paysans.

Il est important de retrouver ce lien direct pour reconstruire localement notre souveraineté alimentaire. Mais cette souveraineté ne peut être complète que si elle comprend l’ensemble du cycle vital de la plante ou de l’animal, si elle comprend donc aussi le moment de sa reproduction.

Quand on parle de produit local, c’est souvent un abus de langage, puisque seule la dernière étape a eu lieu localement. En effet, si vous voulez acheter un légume qui a poussé chez votre voisin paysan plutôt qu’à l’autre bout du monde, mais qu’il doit s’approvisionner de semences issues de cultures sur les 5 continents, est-ce vraiment satisfaisant ? Si les légumes que vous mangez ont commencé leur vie à plus de mille kilomètres d’ici en moyenne sont-ils vraiment locaux ?

De grandes entreprises semencières peuvent proposer des milliers de variétés sur leur catalogue. Elles ont repéré, pour chaque légume, le point exact sur la planète où il leur est possible d’en faire produire la semence dans les conditions les plus avantageuses. Une vision très centralisée de la diversité, aux mains d’une seule entreprise.

A l’inverse, nous croyons à cet artisanat qui prend en main, sur des millions de points différents du globe, la reproduction de quelques variétés avec lesquelles un lien durable est nourri.

En Europe, il y a beaucoup à faire pour que cet artisanat semencier se développe à nouveau et soit réellement inclus dans les circuits alimentaires. En Afrique, pour nombre de cultures traditionnelles la semence est encore en grande majorité produite par les paysans eux-mêmes. Mais les savoir-faire paysans sont dénigrés et les villes se nourrissent de plus en plus de produits issus des circuits industriels.

Il s’agit de reprendre confiance en nos propres capacités. En avons-nous la volonté ?

[1]3 firmes contrôlent 60% des semences commerciales : 31% pour Bayer, 21% pour DuPont-Dow et 8% pour Syngenta. Si l’on ajoute Vilmorin (du groupe français Limagrain), WinField, KWS, Sakata et Takii, nous avons 8 firmes qui contrôlent actuellement 75% de ce marché.

Encadré n° 6 : La question des semences paysannes dans la Déclaration des droits des paysans

La Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales a été adoptée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 2018. Son objectif est de combattre les discriminations subies par les paysan.ne.s, qui sont les premières victimes de l’extrême pauvreté et de la faim.

Concernant les semences, la Déclaration prévoit notamment les points suivants :

  • “les États doivent respecter, protéger et réaliser les éléments clés du droit aux semences, y compris le droit des paysan.ne.s à la protection des savoirs traditionnels, innovations et pratiques relatifs aux semences ;
  • les États doivent soutenir les systèmes de semences paysannes et l’agrobiodiversité (article 19.6) et promouvoir un système d’évaluation et de certification de semences paysannes, avec la participation des paysan.nes (article 11.3) ;
  • les instruments internationaux, y compris en matière de propriété intellectuelle, ne doivent pas restreindre, mais au contraire faciliter la réalisation du droit aux semences (article 2.4) ;
  • au niveau national, les États doivent assurer la cohérence de leurs politiques agricoles, économiques et de développement avec le droit aux semences et veiller à ce que les politiques et lois affectant les semences, les obtentions végétales et la propriété intellectuelle respectent et prennent en compte les droits, les besoins et les réalités des paysan.ne.s (articles 15.5 et 19.8).[1]

Comme déjà évoqué, il n’y a aucun problème lorsque les paysan.ne.s n’utilisent que des semences paysannes. Par contre, l’utilisation de semences protégées les expose à des sanctions. Des tensions apparaissent donc entre les droits de propriété intellectuelle et la promotion d’une agriculture soutenable garante de la sécurité et de la souveraineté alimentaires.

Ainsi, des États comme la Suisse ont dit qu’ils interpréteraient la disposition conformément au droit national et international. Ils privilégient ainsi l’application de leur politique en matière de propriété intellectuelle plutôt que leurs engagements en matière de protection des droits humains.

[1] In “La politique extérieure de la Suisse et la Déclaration de l’ONU sur les droits des paysan.ne.s”, Caroline Dommen et Christophe Golay, Graduate Institute Geneva, août 2020.

Paroles de semencières et semenciers

Semences, gel, sécheresse et inondations

La nature est en train de délivrer ses secrets, c’est à toi de lire et de comprendre. Ces arbres ont résisté à la sécheresse. Avant il y avait une forêt, cette forêt a été coupée, le désert s’est installé, c’est la main de l’homme. L’homme qui a détruit son environnement a toujours la possibilité de le reconstituer. Cela ne demande pas de grands moyens, mais la volonté de s’y mettre et de comprendre. Alihou

Nous avons la possibilité de reconstruire notre environnement. Ce sont les buissons épineux qui reconquièrent cet endroit. Il faut travailler sur ce qui existe déjà. Ces buissons permettent de garder l’eau. Lamine

L’inondation est une catastrophe mais on pourrait transformer la catastrophe en opportunité. Comment faire pour utiliser cette eau ? Le riz flottant pourrait être une solution mais quelle variété ? Cette année du riz a été planté. L’inondation l’a détruit. Contre l’avis des fonctionnaires, on a semé à nouveau, on est parti à l’aventure et on a récolté du riz. Tout cela suppose la disponibilité en semence pour pouvoir tester et innover. On a perdu la première récolte mais comme on avait nos semences on a pu replanter et récolter, moins que prévu mais assez quand même. Samba

Une variété qu’on aimerait pouvoir récolter tout l’hiver devrait résister à de très basses températures. On la laissera à la merci du gel. Mais jusqu’en mai il y a des risques de gel, alors que les choux se mettent à fleurir. A ce stade, la sélection est finie, nous devons juste nous assurer que les choux survivants donneront bien des graines. Il faut les protéger, ils mesurent alors plus d’un mètre et sont tenus par des tuteurs, on les enroule dans des tissus de culture, que souvent le vent déchire et emporte. Joël

Les piments et les papayers sont plantés ensemble. Les papayers jouent le rôle de brise-vent et protègent les piments du soleil pendant la saison chaude. On mélange aussi choux et tomates. L’ennemi des choux mange l’ennemi des tomates, l’ennemi des tomates mange l’ennemi des choux. MoussaJe plante du maïs précoce, une fois mûr, je récolte et je prends les feuilles pour le bétail. Je brûle le reste et je mélange les cendres à la terre comme engrais puis je plante les oignons. Le maïs a le plus besoin d’eau. Je le plante en premier car la nappe phréatique est près du sol. Puis je plante l’oignon, moins gourmand. Je ne fais que les semences d’oignons et de piments. Daouda


Autour de la graine se forge un métier

Chaque graine concentre en elle-même la faculté de germer et de se lier à l’environnement qui l’entoure, et contient toutes les informations qui détermineront l’espèce, mais aussi la variété que la plante deviendra. Je trouve passionnant d’accompagner les plantes « de la graine à la graine ». Noémi

Les plantes n’ont bien sûr pas besoin de nous, c’est bien le contraire: nous nous voyons plutôt comme des gardiens-accompagnateurs de nos variétés pendant leur cycle de reproduction. Tulipan

Avec notre métier, nous participons au processus de l’évolution des plantes cultivées. En choisissant les meilleures caractéristiques, nous pouvons influencer quels fruits et légumes les prochaines générations vont manger. Par exemple la salade, comme nous la connaissons, existe seulement à peu près depuis 200 ans, une période très courte, en regard de l’histoire de l’évolution. Charlotte

Depuis 10 ans, nous constatons que nos semences sont adaptées au changement climatique. La pratique de l’artisan semencier, qui fait retourner la semence à la terre, permet de garantir l’évolution des semences. C’est la pratique paysanne qui permet l’adaptation au changement climatique. Moussa

La place de la semence c’est la terre, pas le grenier. Chaque année, chaque variété doit être replantée. Mais ne mettez jamais à la terre toutes vos semences. Alihou

La plupart de nos variétés ont traditionnellement évolué dans les jardins paysans. Une symbiose se formait entre les variétés qui nourrissaient la population, et les cultivateurs qui leur permettaient de se reproduire. Tulipan

La culture semencière requiert de nombreux gestes justes au bon moment, sans lesquels les plantes n’arriveront pas à produire de la semence de qualité. Le métier de sélectionneuse implique tous les aspects liés à la production légumière et à la production semencière. Je planifie les semis sur la base de ce que je veux comparer au champ et croiser ensuite. Je sélectionne les plantes ou les parcelles à maturité, je transplante les porte-graines dans des tunnels, j’effectue les croisements lors de la floraison. Finalement, je récolte les graines et les nettoie afin qu’elles soient prêtes pour un nouveau semis. J’écris « je », car c’est à moi de coordonner toutes les étapes, mais en réalité, de nombreux collègues réalisent le travail avec moi. Mieux je connais la culture et ses aspects-clés, plus je fais les choix justes au bon moment. J’apprécie beaucoup d’alterner travail au champ et travail de planification, recherche ou analyse. Noémi

Je fais le test de germination. Quatre fois cent graines. Je compte les levées. Comme ce n’est pas certifié par la recherche, on ne peut pas l’écrire sur l’emballage, mais l’information circule bien au niveau local. Moussa

J’ai encore acheté des graines l’an dernier, maintenant je les fais moi. Les graines prennent le climat. Elles s’adaptent. Ça te fait moins de dépenses. On n’avait pas cette expérience avant. J’ai fait plusieurs formations et maintenant je produis toutes mes semences. Les oignons sont plus gros car ils sont adaptés. Après deux campagnes, j’ai vu la différence. Je produis deux fois plus qu’avant depuis que je fais mes graines. Mamadou

Les semences du commerce ont plus de rendement que les semences que je produis. Quand les piments du commercene poussent pas bien je complète avec les semences locales. J’attends que le piment soit mûr, je cueille les fruits, j’enlève les graines puis je fais sécher les graines sous l’arbre et je les stocke dans une boîte. Je n’ai pas suivi le cours de production de semences de l’association. Je suis la méthode traditionnelle. Daouda

La production de graines des artisans semenciers ne suffit pas à combler la demande. Du coup les semences importées gardent une grande importance. Moussa

Je récolte tous les dimanches mes piments. La récolte dure quatre mois. Oignons et piments poussent ensemble dans mon champ. Une partie c’est des semences qu’un des artisans semenciers de l’association m’a données et j’ai acheté les autres. Cette année, il n’a pas suffisamment plu, donc je n’ai pas pu produire de semences. L’an passé, j’avais des semences en pagaille. Samba

Comme beaucoup de plantes, les carottes et les betteraves doivent passer l’hiver avant de produire des graines. Nous les cueillons avec leurs racines et un peu de feuillage, les stockons dans des caisses et celles qui se sont bien conservées sont replantées au printemps. Cela permet de sélectionner des légumes qui se conservent bien. Joël

Chaque saison est totalement différente, cette diversité au travail me plaît. Martin

Nous ne sommes pas intéressés par les transactions financières autour des semences. Comme nous sommes liés à une logique économique nous devons parfois lâcher mais la question centrale est la souveraineté alimentaire. Le but est de pérenniser la production artisanale, d’autonomiser la région à long terme. À court terme, il faut former les organisations productrices locales et les artisans semenciers. Samba

Si l’on n’est pas semencier aujourd’hui, notre raison d’être en tant qu’humain disparaît. Sans cette pratique il n’y a pas de survie économique. Alihou

La semence paysanne n’est pas monnayable car elle est considérée comme un être vivant à part entière, un membre de la famille au même titre que les êtres humains. Elle a une morale, une âme et une conscience. Lamine

Nous avons confiance dans les semences paysannes, car elles sont adaptées à notre manière de travailler. Seb

Les semences traditionnelles ne changent pas. Les semences importées ont une durée de vie limitée. Quand on perd les semences traditionnelles, c’est une valeur qui s’en va. Avec les hybrides, il faut tout le temps racheter des graines. Mamadou

Nous sommes actifs au sein de la Maison des Semences Paysannes de Haute-Savoie, car il est très important d’avoir des échanges avec d’autres multiplicateurs sur notre territoire. Pas seulement pour échanger des semences, mais aussi pour partager nos expériences! Seb

La circulation des semences est intense au niveau local, à travers la pratique du don. La traçabilité est assurée dans le circuit court : A donne des semences à B et B produit et rend des graines à A. C’est un réseau puissant de par sa légèreté. Il fonctionne sans argent. Alihou

Dans la chaîne de production traditionnelle de la semence, le paysan est seul, il n’y a pas de segmentation. Il entretient, récolte, trie et conserve. Dans la chaîne de production industrielle, le paysan est cantonné à une seule étape, la quatrième, la multiplication. Il est ramené au statut de simple ouvrier de la chaîne. Alihou

Pour les paysans du 20ème siècle, c’était devenu totalement normal que les agronomes leur disent quoi semer, et quand, et leur prescrivent les doses et dates de traitements. Joël


Le marché

Dans les régions très maraîchères, l’échange monétarisé prime, dans les régions périphériques, l’échange traditionnel domine. Dans les villes, c’est la production industrielle qui tient le marché. Alihou

Pour des raisons économiques, les fabricants de plantons « professionnels » n’utilisent que les semences calibrées, enrobées, que leur offrent les semenciers, réduisant d’autant l’offre variétale. Produire ses propres plantons, c’est donc avoir accès à une plus grande diversité de semences. Mathieu

Le métier d’artisan semencier n’est pas reconnu, bien que 80% des semences utilisées au Sénégal soient produites par les paysans.Cela favorise les firmes internationales comme Tropicasem ou Vilmorin qui remplissent les critères juridiques liés à la commercialisation des semences. Les produits de ces firmes s’accompagnent d’un paquet technologique, comprenant notamment engrais chimiques et pesticides, qui porte atteinte à la qualité des sols et implique l’utilisation de matériel agricole et l’abattage des arbres pour permettre le passage des machines. Alihou

L’agriculture en général est soumise à une pression des prix qui n’est pas juste. Quelques grands acteurs peuvent faire jouer une concurrence entre les producteurs et dicter des prix toujours plus bas…  Dans un autre modèle agricole à taille humaine et écologique, une semence « régionale » ne serait pas impensable. Noémi

Au marché populaire, ce sont surtout des intermédiaires qui tiennent boutique. Ce sont eux qui fixent les prix. Le paysan n’a pas accès au marché pour vendre sa production, exception faite du marché bio. C’est un problème. Pour faire évoluer la situation, nous travaillons autour de la logique de paniers et de marchés paysans et bio et de la création d’un label. Alihou

Nous visons avant tout les petits maraîchers qui font de la vente à proximité. Ils doivent offrir des spécialités et des produits qui se démarquent au niveau gustatif, et ils se tournent donc vers nos variétés. Tulipan

Nous avons un système de commercialisation qui nous permet une grande liberté. Nous vendons toute notre production sous forme de paniers hebdomadaires de légumes et de fruits à des personnes qui souscrivent et règlent à l’avance un abonnement. Le prix du panier est fixé pour en sortir un revenu décent. C’est nous qui choisissons ce que nous allons mettre dans les paniers. Alors qu’au marché il est très difficile de vendre autre chose que des potimarrons ou des butternuts, nous pouvons nous permettre de proposer 28 variétés différentes de courges à nos consommateurs. Il en va de même pour beaucoup de légumes ou de fruits. On maintient ainsi une plus grande diversité au sein de nos jardins. Seb

La production de semences pourrait être rémunératrice par la création d’un réseau bien organisé qui produise des semences de manière contractuelle. Toute la chaîne jusqu’au consommateur est convaincue et paie plus pour la production de semences. Mais même de cette manière, il est peu probable de pouvoir se passer d’aide extérieure. Martin

L’artisan semencier est normalement lui-même cultivateur. Cela rassure les autres cultivateurs car c’est un pair. C’est le gage de la qualité du produit proposé. Samba

Il faut montrer aux agriculteurs la réalité de notre travail. Etre à l’écoute de leurs besoins. Collaborer avec eux et non pas travailler chacun de son côté. Les impliquer dans la production de semences. Etre conscients des limites de notre travail de sélection. Martin

Dans un projet collaboratif entre différents acteurs de la filière, les critères de chacun sont amenés et pris en compte dès le début. Noémi

Il nous faut faire un inventaire des semences disponibles pour construire un catalogue et examiner les qualités de chaque espèce. Cela permettra d’identifier les semences recherchées par les différents acteurs et de les installer dans les marchés. Samba

Nous devons utiliser la filière, être en amont et en aval. Et ainsi conduire la barque sans chavirer. Samba

Présentation des semencières et semenciers

Les Jardins de Cocagne sont une coopérative agricole située à Genève, pionnière en Europe de l’agriculture contractuelle en circuit court, qui produit en agriculture biologique. Fondée en 1978, elle livre chaque semaine des paniers d’une grande diversité de légumes à 450 coopératrices. Cette diversité est permise entre autres par la production de semences au sein de la coopérative.

Mathieu est jardinier et artisan semencier aux Jardins de Cocagne.


Semences de pays est une association productrice de semences artisanales biologiques située à Genève. Elle y produit la totalité de ses semences. Toutes les variétés de son catalogue sont reproductibles.

Wallace, Olivia, Joël et Dorota sont semenciers artisanaux à Semences de pays. Thomas, paysan de la ferme des Verpillères, utilise des variétés de Semences de pays.


La Maison des semences paysannes de Haute-Savoie regroupe une dizaine de fermes qui ont décidé de produire collectivement les semences maraîchères dont elles ont besoin. Deux fois par an, les maraîchers semenciers se rencontrent pour se répartir les semences, partager leur expérience et planifier la production.


La ferme des Hauts de Marlioz et le Chaperon vert (Annecy) participent à la Maison des semences paysannes de Haute-Savoie. 

Sandra, Janine, Aloïs, Matthieu et Naïma sont paysans et artisans semenciers à Marlioz. Seb et Hélène sont paysans et semenciers artisanaux à Annecy.


Zollinger Bio est une entreprise semencière artisanale biologique située dans le Chablais valaisan. Elle produit la majorité des semences de son catalogue sur son exploitation agricole. Toutes ses variétés sont reproductibles.

Tulipan est artisan semencier à Zollinger Bio.


Sativa est une entreprise semencière artisanale biologique et biodynamique située dans le canton de Zürich. En association avec d’autres entreprises européennes, elle a développé une offre très complète de semences sélectionnées pour l’agriculture biologique. Toutes les variétés de son catalogue sont reproductibles.

Charlotte et Noémi sont sélectionneuses à Sativa.


BioBrüngger est une entreprise semencière artisanale biologique située à Courtelary et Safnern dans le canton de Berne. Elle produit des semences pour les projets de conservation de l’Office fédéral de l’agriculture, pour Sativa et pour des maraîchers de la région.

Martin est artisan semencier à BioBrüngger.


La station fédérale de recherches agronomiques de Changins est une institution fédérale suisse, dont une des tâches est la conservation de semences de plantes cultivées. Une partie de ses collections est régulièrement sortie des frigos et remise en culture, pour leur renouvellement. Ces ressources sont largement disponibles.

Beate est agronome à Changins.


L’Union des Producteurs Horticoles du Département de Bakel (Uphorbak) est une association sénégalaise créée en 1998. Elle est un des partenaires de Jardins de Cocagne Solidarité – Nord et Sud. Les activités de l’Union concernent la gestion d’un magasin de matériel agricole et de pièces de rechange, l’organisation de marchés hebdomadaires,l’expérimentation agricole et la production de semences d’oignon et de piment.

Samba, Moussa, Mamadou et Daouda sont membres d’Uphorbak.


L’Association sénégalaise de producteurs de semences paysannes ASPSP a été créée en 2003. Elle se fixe comme objectif l’autonomie semencière paysanne par la formation en agroécologie et en technique de production de semences paysannes, par la construction de greniers et cases de semences, par l’organisation de visites d’échanges entre paysans et paysannes ainsi que l’organisation de foires. Le syndicat paysan Uniterre et Jardins de Cocagne – Solidarité Nord et Sud ont appuyé un de ses projets.

Lamine est président de l’ASPSP et Alihou en est le coordinateur.

Témoignages

Alihou Ndiaye – Thiès, Sénégal
9 février 2020

Alihou est coordinateur de l’Association sénégalaise de producteurs de semences paysannes, ASPSP.

Le métier de semencier et ses difficultés

Si l’on n’est pas semencier aujourd’hui notre raison d’être en tant qu’humain disparaît. Sans cette pratique, il n’y a pas de survie économique. 

L’échange de semences est intense au niveau local à travers la pratique du don. La traçabilité est assurée dans le circuit court, A donne des semences à B. B les cultive et rend une partie de sa récolte de graines à A. C’est un réseau puissant de par sa légèreté. Il fonctionne sans argent.

Dans la chaîne de production traditionnelle de la semence, le paysan est seul, il n’y a pas de segmentation. Il entretient, récolte, trie et conserve. 
Dans la chaîne de production industrielle, le paysan est cantonné à une seule étape, la quatrième, la multiplication. Il est ramené au statut de simple ouvrier de la chaîne.

La situation contemporaine est liée avant tout à la colonisation en tant que processus de domination mentale.
 La principale difficulté vient de la loi qui lie la production de semences à la possession d’un certificat délivré par une instance étatique. Le paysan qui produit ses semences dans la tradition se retrouve hors-la-loi.

Le métier d’artisan semencier n’est pas reconnu, bien que 80 % des semences utilisées au Sénégal soient produites par les paysans. Formellement, les artisans semenciers se retrouvent dans l’illégalité. 
Cette définition juridique favorise les firmes internationales comme Tropicasem ou Vilmorin qui remplissent les critères juridiques liés à la commercialisation des semences. Les produits de ces firmes s’accompagnent d’un paquet technologique, comprenant notamment engrais chimiques et pesticides, qui porte atteinte à la qualité des sols et implique l’utilisation de matériel agricole, l’aménagement du terrain et l’abattage des arbres pour permettre le passage des machines.

A ce jour, il n’existe pas de filière organisée de vente des semences traditionnelles. La loi interdit l’ouverture d’une boutique de vente ou la tenue d’un catalogue. Pourtant, les coûts de production des semences dans la filière industrielle sont plus élevés que dans la production traditionnelle. Face à cette situation, la nécessité de peser politiquement devient une priorité pour l’ASPSP et les autres associations.

Le marché 

Dans les régions très maraîchères, l’échange monétarisé prime. Dans les régions périphériques, l’échange traditionnel domine. Dans les villes, c’est la production industrielle qui tient le marché.

Au marché populaire, ce sont surtout des intermédiaires qui tiennent boutique. Ce sont eux qui fixent les prix. Le paysan n’a pas accès au marché pour vendre sa production, exception faite du marché bio. C’est un problème. Pour faire évoluer la situation, nous travaillons autour de la logique de paniers, de marchés paysans bio et de la création d’un label.

Le grenier

Dans de nombreuses régions, le savoir-faire entourant le stockage des semences a disparu. Le système des greniers traditionnels construits dans les mares ou les marais est tombé en désuétude. Ces greniers sont remplacés par des centres de conservation construits par l’état.

Face à ce problème, on a identifié des personnes qui ont gardé ce savoir traditionnel pour transmettre à des groupes de femmes ces techniques de construction d’espaces de stockage et de conservation des récoltes et semences pour l’économie familiale. On a utilisé ce thème durant les foires autour de la pertinence des greniers. 

Traditionnellement, ce type de greniers était construit par les femmes. On a travaillé dans une vision de transfert de techniques, on a mélangé les techniques bobo et mandingue pour construire de nouveaux prototypes de greniers traditionnels. En fusionnant ces deux traditions, on a amélioré ces constructions.La place de la semence, c’est la terre, pas le grenier. La semence doit retourner fréquemment à la terre pour se revigorer. Plus une semence retourne à la terre, plus elle reste vivace. Chaque année, chaque variété doit être replantée. Mais ne mettez jamais à la terre toutes vos semences.


Beate Schierscher-Viret – Agroscope de Changins

Beate est agronome. Elle travaille à l’Agroscope, où sont menés différents projets de recherche agronomique de la Confédération suisse, à Changins. On y trouve aussi les collections végétales de la Confédération, conservées à basse température, dont une partie est régulièrement remise en culture.

Dans le cadre de l’Agroscope, plusieurs programmes de sélections traditionnelles sont en cours : sélection de soja, de pommiers, d’abricotiers et de poiriers, de blé tendre, de plantes médicinales et aromatiques, de plantes fourragères pour prairies temporaires, de graminées fourragères et de trèfle.

Agroscope soutient par ailleurs différents projets de sélection d’organisations privées. 

A partir des années 1980, les variétés traditionnelles et anciennes de plusieurs espèces ont commencé à être massivement remplacées par des variétés hybrides venant de l’étranger.

Agroscope a alors renoncé à une sélection de variétés hybrides (pour les espèces allogames), parce que pour sélectionner de nouvelles variétés, il est nécessaire d’investir beaucoup de capitaux, de travail, de temps et d’acquérir du know-how ainsi que d’utiliser des méthodes telles que la biotechnologie et la biologie moléculaire (pour pouvoir concurrencer avec les variétés de l’étranger).

Les espèces sélectionnées auparavant par Agroscope étaient principalement le fenouil, l’asperge, la côte de bette, l’échalote, l’oignon, le poireau et le chou. La sélection maraîchère a été abandonnée, mais Agroscope a continué de faire des essais variétaux pour pouvoir donner des conseils aux producteurs, les informer si les variétés sont adaptées au climat suisse, sur les résistances aux maladies…

Indépendamment de l’orientation de la sélection maraichère, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi eu un changement des habitudes de consommation. Il y a eu des efforts pour promouvoir une nouvelle gamme de légumes, par exemple des régions asiatiques, pour une diversification alimentaire. Et pour tenir compte de l’évolution du comportement des consommateurs avec les produits de commodité et les petites portions. Il s’agit notamment d’offres telles que les salades « baby leaf », qui sont récoltées à un stade très précoce, préparées et proposées en sachets, ou les « mini-légumes », principalement le chou-fleur, le brocoli et le chou romanesco, qui sont récoltés tôt et livrés en petites portions attrayantes. Il ne faut pas oublier que nous avons aussi beaucoup plus de ménages individuels et que la demande de produits frais prêts à la consommation a augmenté considérablement.

Nous avons une étroite collaboration avec des producteurs de semences (Zollinger Bio, Sativa, Artha Samen, DSP et Semences de pays par exemple) qui ont continué à sélectionner des plantes maraîchères pour les jardins privés et des producteurs amateurs ou même pour des professionnels. Nous pouvons heureusement encore leur mettre à disposition des semences de la banque de gènes. Et heureusement aussi, les efforts pour conserver des ressources génétiques et la recherche de variétés anciennes et de cultures alternatives ne datent pas d’hier. La banque de gènes a commencé à collectionner des variétés locales et des semences paysannes déjà en 1900. Et nous avons aussi pu redonner ces dernières années des semences à des paysans qui cultivent de nouveau des anciennes variétés de blé aux champs. La collection de variétés potagères, elle, date du début des années 1980.

La Suisse mise sur une production durable, en Bio ou en Production Intégrée, et pourrait livrer pendant la haute saison (avril à octobre) les principaux légumes consommés en Suisse. Le fait que la Suisse est capable de sélectionner et de produire les semences qu’il faut est prouvé par le passé. Le problème est l’importation et le démantèlement des barrières à l’importation. Les producteurs suisses ont un niveau de prix relativement élevé en culture maraîchère par rapport à la production étrangère. Le prix ne peut être maintenu que par la qualité, la proximité du marché et l’approvisionnement régulier du marché en produits frais. D’autre part, il faut aussi tenir compte du comportement des consommateurs/consommatrices d’aujourd’hui. 

La thématique des semences est très actuelle, j’espère que les gens commencent de nouveau à prendre conscience d’où vient la nourriture et avec ça, d’où viennent les semences. Même si la situation est différente chez nous qu’en Afrique, où les semences jouent encore un rôle plus important que chez nous. 


Seb – Chaperon vert

Seb est maraîcher et semencier artisanal à Annecy, au sein de l’AMAP du Chaperon vert. Une AMAP est une association de producteurs liée à des consommateurs par contrats. Le Chaperon vert fait partie de la Maison des Semences Paysannes de Haute-Savoie, dans le cadre de laquelle est planifiée collectivement leur production de semences. 

Qu’est-ce qui t’a amené à être paysan, et à produire tes propres semences ?

C’est une réflexion sur le sens de mes actions qui m’a amené à devenir paysan. Il n’y avait aucune adéquation entre ce que je faisais avant d’être paysan et les valeurs auxquelles j’étais fortement attaché. Je suis petit-fils de paysans-ouvriers et c’est sans doute aussi les beaux souvenirs de mon enfance qui m’ont mené vers le métier de jardinier. L’idée de produire des semences a germé au gré de rencontres avec d’autres jardiniers et a pris racine grâce à une forte volonté de faire!

Comment choisissez-vous ce que vous cultivez au Chaperon vert ?

Le choix des variétés peut se faire de différentes manières : 

  • subjectives : le nom, le visuel , le goût…
  • objectives : résistance, précocité, tolérance, durée de conservation…

Quelle place la production de semences prend-elle dans l’ensemble de votre activité ?

La multiplication de semences occupe une place importante dans notre jardin. Cette activité est planifiée tout comme la production de plants ou le plan de rotation des cultures.

Et nous sommes actifs au sein de la Maison des Semences Paysannes de Haute-Savoie car il est très important d’avoir des échanges avec d’autres multiplicateurs sur notre territoire. Pas seulement pour échanger des semences, mais aussi pour partager nos expériences!

Comment choisissez vous quelles semences vous allez produire ? 

On multiplie certaines semences pour maintenir la variété, d’autres pour sélectionner et/ou améliorer un caractère génétique, mais aussi pour simplement les adapter à notre terroir.

Quelle proportion des semences que vous utilisez provient de votre ferme ou de fermes de votre réseau ?

On multiplie les semences pour la totalité des légumes-fruits de nos jardins. Pour les autres légumes, on doit approcher des 30% de ce que nous mettons en culture.

Est-ce que vous vous risqueriez à n’utiliser que des semences paysannes pour toutes vos cultures ?

C’est déjà ce que nous pratiquons depuis plusieurs années. Nous avons confiance dans les semences paysannes, car elles sont adaptées à notre manière de travailler.

Dans votre ferme, combien gagnez vous en moyenne pour un temps plein ?

1400 euros par mois pour un temps plein.

En général, comment construire des filières alimentaires autonomes, de la semence à l’assiette ?

Nous avons un système de commercialisation qui nous permet une grande liberté. Nous vendons toute notre production sous forme de paniers hebdomadaires de légumes et de fruits à des personnes qui souscrivent et règlent à l’avance un abonnement. Le prix du panier est fixé pour en sortir un revenu décent pour tous les associés du Chaperon vert, tout en réglant tous les frais liés à a production. 

C’est nous qui choisissons ce que nous allons mettre dans les paniers. Alors qu’au marché, il est très difficile de vendre autre chose que des potimarrons ou des butternuts, nous pouvons nous permettre de proposer 28 variétés différentes de courges à nos consommateurs. Il en va de même pour beaucoup de légumes ou de fruits. On maintient ainsi une plus grande diversité au sein de nos jardins.


Martin Brüngger – BioBrüngger

Martin est artisan semencier à Courtelary et Safnern dans le canton de Berne.  Il produit des semences pour les projets de conservation de l’Office fédéral de l’agriculture, pour Sativa, et pour des maraîchers de la région. Il a aussi un projet pédagogique autour de la semence.

Pourquoi fais-tu ce métier ?

Le contact avec la terre et le travail actif en plein air me ressourcent physiquement et mentalement. Le fait de produire des semences me lie à l’histoire des plantes cultivées. Aussi, je me sens connecté à l’évolution de ces plantes qui nous nourrissent et qui font partie de notre culture. Chaque saison est totalement différente, cette diversité au travail me plait.

Comment le décrirais-tu ?

Je me sens un peu hors du temps. D’abord en raison de la connexion avec le passé et le futur que ce travail implique, et aussi par le fait de faire un métier marginal dans notre société. Les enjeux de génétique, conservation et diversité sont des défis à relever qui rendent mon travail intéressant et croustillant. Je ne me lasse jamais.

Qu’est-ce qui te paraît important pour déterminer des critères de sélection ?

Des plantes robustes, qui produisent bien dans différentes situations, sans qu’elles nécessitent de soins intensifs. Un goût irrésistible. Un caractère spécifique qui différencie une variété des autres.

Sur la base de quelles connaissances travailles-tu ?

J’ai fait une formation universitaire de biologiste, et j’ai ensuite travaillé pendant deux ans à Biosem, une petite structure semencière artisanale dans le canton de Neuchâtel. Les observations dans le quotidien de mon travail, du bon sens et une part d’intuition sont essentiels.

Comment amener les maraîchers à utiliser les semences que tu produis ?

Leur montrer la réalité de notre travail. Etre à l’écoute de leurs besoins. Collaborer avec eux et non pas travailler chacun de son côté. Les impliquer dans la production de semences et les coacher. Etre conscient de nos limites dans la sélection / production.

Qu’est-ce qui empêche, en Suisse, qu’une production de semences destinées à l’agriculture soit rentable par elle-même, sans les apports d’activités annexes ?

La main invisible de l’économie… Les propositions alléchantes des multinationales… La globalisation… …font que les semences sont très peu chères, donc une production suisse est hors concurrence.

Penses-tu qu’il serait possible de changer cette situation, et comment ?

  1. Par la contrainte : La Suisse se trouve isolée du reste du monde et doit s’organiser de manière autosuffisante…
  2. De manière active : Par la création d’un réseau bien organisé qui produit des semences de manière contractuelle. Toute la chaîne jusqu’au consommateur est convaincue et paie plus pour la production de semences. Mais même de cette manière, il est peu probable de pouvoir se passer d’aide extérieure.

Quelle proportion de ton revenu provient de la vente de semences aux agriculteurs professionnels ?

Moins de 7,5%. L’essentiel de mon revenu me vient de la production que je fais pour la banque de semences nationale.


Mathieu Buttex – Jardins de Cocagne

Mathieu est jardinier et artisan semencier dans la coopérative des Jardins de Cocagne à Sézegnin.

Quand j’atterris en 2004 aux Jardins de Cocagne, on y cultive déjà la tomate de Chancy. Les semences de cette variété savoureuse aux gros fruits charnus nous ont été offertes quelques années auparavant par une famille habitant le village de Chancy, à quelques kilomètres de là. Depuis combien de temps y était-elle cultivée ? Et l’est-elle encore ? Quel nom portait-elle à l’origine ? Et d’où provenait-elle ? Je l’ignore. Mais l’important, quel que soit son nom, est qu’elle continue à être cultivée et que ses semences continuent de voyager de main en main.

De Chancy, du Vietnam ou d’ailleurs…

Quelques années plus tard, un coopérateur nous ramène des semences d’une autre tomate que son frère cultive en Espagne : la Culo Rojo, ce qui en français se traduirait par « cul rouge ». Une tomate qui ne ressemble à aucune autre : elle reste partiellement verte à maturité si ce n’est le bas de la tomate qui rougit. A ce stade, une fois coupée en deux, elle nous révèle un intérieur parfaitement mûr, d’un rouge grenat intense. Son goût valait la peine que nous la cultivions. Comme pour la Chancy, il nous fallait en faire de la semence si nous ne voulions pas perdre la variété.

Heureusement, produire ses propres semences de tomates n’a rien de compliqué. La tomate est une plante autogame, ce qui veut dire que la pollinisation a lieu dans la fleur sans avoir besoin du pollen d’autres fleurs. Pas besoin donc de se préoccuper d’éventuels croisements. On garde quelques fruits bien mûrs, idéalement pris sur les plus beaux plants, on en extrait la graine et la pulpe que l’on laisse fermenter quelques jours dans un bocal puis que l’on rince à l’eau avant de laisser sécher les semences lavées sur un linge.

Un peu plus tard, c’est un jardinier qui nous ramène des semences d’un voyage au Vietnam. Parmi celles-ci, deux plantes vont attirer notre attention : le Rau Que, un basilic asiatique au goût très épicé et le Tito, une variété vietnamienne de Shiso, qui est une plante aromatique très prisée en Asie. Pas moyen de retourner au Vietnam chercher des graines, il nous faut les reproduire.

Cette fois, il ne s’agit pas de récolter un fruit et d’en extraire les graines. Il faut laisser la plante fleurir (ces deux plantes sont récoltées et consommées avant floraison) et mûrir ses graines, avant de la récolter séchée, de la battre et de séparer la semence des débris de feuilles et de tiges. 

Le Shiso et le Rau Que sont des plantes allogames qui ont à tout prix besoin d’être croisées avec un autre individu, au risque de souffrir de consanguinité. Dans le cas de ces deux plantes, ce sont les abeilles et autres insectes butineurs qui vont servir d’intermédiaire au croisement entre deux individus, en transportant le pollen d’une plante sur le pistil d’une autre.

Il faut également empêcher le croisement entre le Rau Que, qui est un basilic vietnamien et le basilic de Gênes, dit aussi basilic vert, et qui est lui italien, mais qui ont tous deux pour origine le même parent asiatique Occimum basilicum, malgré l’éloignement géographique des deux variétés. 

Afin d’éviter ce croisement, il nous faut pratiquer l’isolement, soit géographique soit temporel de la variété dont nous souhaitons produire la semence. La distance recommandée d’espacement entre deux plantes de la même espèce pour une production semencière est de 1000 mètres, soit la distance maximale que semblerait parcourir une abeille afin de se nourrir. Cette distance peut-être sensiblement réduite si le terrain comporte des obstacles tels que haies ou tunnels. Mais le meilleur obstacle pour un butineur, ce sont encore les fleurs, sauvages ou cultivées, disséminées alentour. Dès lors une centaine de mètres peut largement suffire. L’isolement temporel, quant à lui, se borne à semer les deux plantes à deux moments différents, pour qu’elles ne fleurissent pas en même temps.

Le choix de l’autonomie, pour la diversité !

L’installation d’une serre à plantons, ainsi que l’acquisition d’une motteuse, nous ont permis d’augmenter le nombre de plantons que nous produisons nous-mêmes pour le jardin, qui se limitait jusque-là à quelques tomates et courges. Le reste est acheté à des fabricants de plantons « professionnels » qui utilisent des semences « professionnelles » destinées à des maraîchers « professionnels ». Ces derniers produisent rarement plus de 10 légumes différents sur leur exploitation, souvent moins, parfois même un seul. Ils destinent leur production à la grande distribution qui exige des produits « irréprochables » et bon marché.

Les variétés modernes sont donc sélectionnées pour répondre aux critères suivants : facilité de récolte : non pas pour rendre le travail moins pénible, mais pour réduire les coûts de production ; rendement : celui-ci se calcule en poids et reflète bien plus la teneur en eau d’un aliment que sa valeur nutritive ; homogénéité : deux individus d’une même variété ne doivent pas pouvoir se différencier et si c’est le cas, ils sont éliminés ; maturation simultanée afin que la récolte se fasse en un seul passage ; bonne tenue après récolte permettant de ce fait le transport sur de longues distances. Qui plus est, la quasi-totalité de la sélection se fait en agriculture chimique dite conventionnelle, sélectionnant ainsi des plantes dépendantes des herbicides, pesticides, fongicides et engrais minéraux.

Pour des raisons économiques, ces fabricants de plantons « professionnels » n’utilisent que les semences calibrées que lui offrent les semenciers, réduisant d’autant l’offre variétale.

Produire ses propres plantons, c’est donc avoir accès à une plus grande diversité de semences en pouvant utiliser des semences qualifiées d’«amateur » par les professionnels, vendues par les petits semenciers peu nombreux mais toujours présents. Ceux-ci continuent la sélection de variétés dites anciennes ou paysannes et œuvrent à la création de nouvelles variétés adaptées à l’agriculture biologique. Ils offrent des variétés reproductibles par tout un chacun, contrairement aux hybrides F1 de l’industrie semencière. 

Mais l’offre variétale, même augmentée, reste pauvre. Ainsi, en 2010, on ne trouve en Suisse que trois variétés d’aubergines sélectionnées en Bio : la Violette et la Rotonda bianca sfumata di rosa, chez Sativa et l’Obsidienne chez Zollinger. L’aubergine n’est pas un légume d’une grande importance économique en Suisse. Le marché est majoritairement approvisionné par les productions des pays méditerranéens. 

A la recherche d’une aubergine

Aux Jardins de Cocagne, nous cherchons donc d’autres variétés sous d’autres cieux, toujours à pollinisation ouverte, et en essayons 17 sur quelques années parmi lesquelles nous garderons les variétés suivantes : Barbentane et Dourga, deux variétés françaises ; Diamond, d’origine ukrainienne ; Thaï Long Green, variété thaïlandaise ; Mitoyo, originaire du Japon ; Aswad, d’Irak et Apple Green, du Canada. Ces variétés n’étant pas disponibles en Suisse, nous en faisons la semence et par ce biais nous efforçons de les acclimater à nos conditions de culture. Nous découvrons des formes et des couleurs insoupçonnées chez l’aubergine : blanche, verte, rose, bicolore ; longue, ronde, côtelée. Et bien entendu, des textures et des goûts différents pour chaque variété. Mais aussi des plantes d’une plus grande précocité et par conséquent mieux adaptées à nos étés relativement courts.

Nous réessayons la culture en plein air, qui nous avait peu convaincus quelques années auparavant, espérant de meilleurs résultats avec les variétés les plus précoces. Le test s’avère concluant sans être exceptionnel : il est possible de produire des aubergines en plein champ chez nous, mais les rendements sont nettement moindres qu’en tunnel.

Nous sélectionnons donc les plus beaux plants, c’est-à-dire ceux qui se développent bien en conditions extérieures et semons les graines issues de cette sélection l’année suivante. Là, nous procédons à des croisements entre différentes variétés : Diamond x Dourga, Dourga x Thaï Long Green, Obsidienne x Apple Green, etc. Nous laissons mûrir une dizaine de fruits et récoltons les graines. Nous cultivons deux ans de suite la descendance de ces croisements en continuant à sélectionner les meilleures plantes et là la productivité augmente de manière flagrante, dépassant pendant quelques semaines la production en tunnels. En même temps les étés de ces deux années ont été caniculaires et auraient pu profiter aux aubergines extérieures. Il se pourrait également que la sélection ait porté ses fruits. Il faudra davantage d’étés pour le savoir. Mais en tous les cas, la production en plein air est bonne pour un fruit réputé ne se produire bien que sous tunnels sous nos latitudes.

Le travail n’est pas pour autant terminé. Il s’agirait maintenant de refaire un croisement incluant un maximum de plantes différentes afin d’obtenir ce que l’on appelle un pool génétique. Une plante pourrait ainsi avoir 3 ou 4, voire davantage, de variétés comme parents.

Ensuite, tout en continuant la sélection pour l’adaptabilité aux conditions extérieures, appliquer d’autres critères tels que la forme, la couleur et le goût des fruits, l’absence sur le pédoncule de piquants, qui sont agressifs envers les récolteurs.

En sélectionnant simplement les plantes les plus précoces et productives, mais aussi celles en meilleure santé et de belle apparence, nous sélectionnons des plantes capables, grâce à un système racinaire puissant, d’aller chercher elles-mêmes dans le sol les nutriments dont elles ont besoin, et ce tout au long de leur cycle de croissance. Nous sélectionnons des plantes résistantes aux ravageurs et aux maladies. Nous sélectionnons enfin des plantes adaptées à l’agriculture biologique ainsi qu’à nos conditions de culture, notre climat, notre sol, ce que d’aucuns appellent le terroir.

Le fait d’être capables de produire nos propres semences nous permet de cultiver des variétés originales introuvables en Suisse. 


Charlotte Aichholz, Noémi Uehlinger et Amadeus Zschunke – Sativa

Sativa est une entreprise semencière artisanale biologique et biodynamique située dans le canton de Zürich. En association avec d’autres entreprises européennes, elle a développé une offre très complète de semences sélectionnées pour l’agriculture biologique. Toutes les variétés de son catalogue sont reproductibles. Charlotte et Noémi sont sélectionneuses à Sativa. Amadeus est directeur.

Pourquoi fais-tu ce métier ?

Noémi : Je suis fascinée par le potentiel, presque un peu magique, que représente chaque graine: cette petite entité concentre en elle-même la faculté de germer et de se lier à l’environnement qui l’entoure, et contient toutes les informations qui détermineront l’espèce, mais aussi la variété que la plante deviendra. De plus, je trouve passionnant d’accompagner les plantes « de la graine à la graine ». Particulièrement pour ce qui est des plantes cultivées, encore plus pour celles dont nous ne mangeons pas la graine, la culture semencière requiert de nombreux gestes justes au bon moment, sans lesquels les plantes n’arriveront pas à produire de la semence de qualité. On peut apprendre une partie de ces règles, mais c’est aussi beaucoup grâce à l’observation et l’expérience qu’on comprend toujours mieux les différentes cultures. Enfin, le fait de travailler ensemble avec mes collègues et d’autres partenaires à une alternative biologique et à taille humaine dans un domaine globalement concentré et trop souvent lié à des multinationales de l’agro-chimie est pour moi une grande motivation. A mes yeux, Sativa a un devoir de communiquer et transmettre ses connaissances là où elle peut soutenir d’autres acteurs soucieux d’une souveraineté semencière.

Charlotte : J’ai découvert ma passion pour les plantes comme adolescente en faisant pousser en premier des plantes sur le balcon et après sur une parcelle biologique proche de la ville où j’ai grandi. Je savais que je pouvais bien m’occuper des plantes et comme je m’intéressais aux sciences du vivant, j’ai choisi les études d’horticulture. Lors de mes cours, la sélection variétale et la génétique m’intéressaient en particulier, car je voyais l’utilité directe pour les agriculteurs et la possibilité de développer quelque chose de nouveau en utilisant les ressources naturelles. Je fais ce métier car j’apprécie beaucoup la synthèse entre la pratique au champ, travaillant avec la nature, l’observation des plantes et la partie scientifique où il faut développer des concepts pour arriver à ses buts. Je vois une grande nécessité de fournir des semences de variétés bio. Dans le futur nous devons de plus en plus faire attention aux systèmes naturels et je pense que je peux y contribuer avec de bonnes variétés bio.

Comment le décrirais-tu ?

Noémi : Le métier de sélectionneuse (ou obtentrice) implique tous les aspects liés à la production légumière et à la production semencière. Je planifie les semis sur la base de ce que je veux comparer au champ et croiser ensuite. J’échange beaucoup avec le responsable des cultures et j’effectue différentes évaluations durant leur croissance, je sélectionne les plantes ou les parcelles à maturité, je transplante les porte-graines* dans des tunnels, j’effectue les croisements lors de la floraison et je continue à discuter avec la responsable des cultures jusqu’à la maturité des graines. Finalement, je récolte les graines, les nettoie et les calibre* afin qu’elles soient prêtes pour un nouveau semis. J’écris « je », car c’est à moi de coordonner toutes les étapes, mais en réalité, de nombreux collègues réalisent le travail avec ou pour moi. Mieux je connais la culture et ses aspects-clés, plus je fais les choix justes au bon moment. Personnellement, j’apprécie beaucoup d’alterner entre travail pratique (au champ ou en tunnel) et travail de planification, recherche ou analyse. Enfin, mon travail me met en lien avec de nombreux acteurs de la filière bio : maraîchères, transformateurs, distributeurs, mais aussi autres sélectionneurs, chercheuses et scientifiques.

Charlotte : La sélection variétale est un métier fascinant, car il a déjà existé depuis que les hommes ont commencé à cultiver la terre. Avec notre métier, nous participons au processus de l’évolution des plantes cultivées. En choisissant les meilleures caractéristiques, nous pouvons influencer quels fruits et légumes les prochaines générations vont manger. Par exemple la salade, comme nous la connaissons, existe seulement à peu près depuis 200 ans, une période très courte, en regard de l’histoire de l’évolution. Une nouvelle culture a été développée par les décisions des sélectionneurs, suivant les besoins des humains. 

Comment déterminez-vous vos critères de sélection ?

Noémi : Les critères agronomiques (rendement commercialisable, vigueur, robustesse) et de qualité (optique, gustative) ont généralement une grande importance. La manière dont nous déterminons les critères de sélection dépend fortement du projet. Dans un projet collaboratif entre différents acteurs de la filière (par exemple une variété de carotte pour petits pots pour bébés ou une variété de tomate pour la transformation en sauce), les critères de chacune et de chacun sont amenés et pris en compte dès le début. Dans un projet de diversification, on peut se permettre de commencer par réunir une grande diversité variétale et de chercher plutôt une perle rare, par exemple une forme ou une couleur particulière. 

Sur la base de quelles connaissances travaillez-vous ?

Noémi : Tous les obtenteurs/obtentrices de Sativa ont un diplôme universitaire en sélection des plantes. Nous nous appuyons donc en grande partie sur des connaissances et des principes des sciences naturelles (génétique, méthodes de sélection, physiologie, phytopathologie). Ensuite, les connaissances internes de l’entreprise, à travers la longue expérience de certains collègues dans la production de semence biologique, ne sont pas à négliger. Le réseau des sélectionneurs et multiplicatrices de semences biologiques nous livre également régulièrement des impulsions précieuses. Enfin, Sativa est une entreprise biodynamique* et nous cherchons à enrichir notre approche des plantes et de notre travail par cette vision holistique.

Comment amener les maraîchers à utiliser vos semences ?

Noémi : Les caractéristiques d’une certaine variété sont certainement un facteur très important dans le choix (ou non) d’une variété Sativa. Nous n’avons pas encore dans tous les segments nos propres variétés répondant aux critères de rendement, résistances ou homogénéité auxquels les maraîchères et producteurs sont habitués. En général, plus le circuit est long, plus les critères sont élevés et stricts. En opposition, plus le lien avec les consommateurs est fort, plus la productrice peut intégrer des variétés diverses, même si moins « performantes », à sa production. Il y a quelques années, la qualité technique des semences était aussi un frein à l’utilisation de nos variétés. En effet, peu de maraîchers produisent leurs jeunes plants eux-mêmes. Pour un producteur de jeunes plants, la semence de salade doit être enrobée* et celle de céleri pré-germée* et enrobée. Ces dernières années, nous avons beaucoup investi pour développer des techniques certifiées bio pour enrober et faire pré-germer les semences. Comment amener les maraîchers à utiliser nos semences ? Je crois que pour l’instant, nous devons d’abord travailler à nous faire connaître auprès des maraîchers intéressés par une certaine diversité culturale et un approvisionnement en semence alternatif aux grand semenciers conventionnels. 

Qu’est-ce qui empêche, en Suisse, qu’une production de semences destinées à l’agriculture soit rentable par elle-même, sans les apports d’activités annexes ? Pensez vous qu’il serait possible de changer cette situation, et comment ?

Noémi : En ce qui concerne les grandes cultures, comme par exemple les céréales, la production de semences en Suisse est rentable. Pour ce qui est des espèces potagères, plusieurs facteurs rendent leur production semencière difficilement rentable : chaque espèce a des exigences différentes en matière de climat. De nombreuses espèces préfèrent un climat sec, pas trop chaud, et bien aéré. C’est pourquoi il existe des régions historiquement semencières, comme le Nord de l’Italie, la Bretagne ou le Pays de la Loire en France. En Suisse, certaines de ces cultures doivent être conduites sous abri, ce qui rend leur production plus coûteuse. Enfin, en Suisse, nous n’atteignons par exemple pas les calibres de semence de carottes que nous récoltons en France ou en Italie. 

Le coût supérieur de notre production n’est pas une fatalité : Il est, d’un côté, lié aux exigences élevées des productrices et ces exigences sont elles-mêmes étroitement liées aux structures agricoles actuelles. Un exemple : les producteurs de carottes sèment normalement de la semence de calibres 1.8-2.0 mm et 1.6-1.8 mm. Sur 100 kg de semence brute bio de carottes, environ 15 à 25 kg répondent en moyenne à ces deux calibres. Cependant, tous les systèmes de production ne sont pas aussi exigeants. Dans des circuits plus courts, moins mécanisés, plus dépendants du travail manuel, une production à partir de calibres plus bas serait tout à fait envisageable. Par ailleurs, on peut se demander pourquoi, de manière générale, notre agriculture n’est pas rentable en tant que telle. En effet, l’agriculture en général est soumise à une pression des prix qui n’est pas juste, dans tous les sens du terme : de nombreux coûts sociaux et environnementaux sont encore externalisés, la majeure partie de la production agricole est « indifférenciée », ce qui rend la production de l’agriculteur A équivalente à celle de la productrice B, quelques grands acteurs pouvant faire jouer une concurrence entre les producteurs et dicter des prix toujours plus bas…  Dans un autre modèle agricole à taille humaine et écologique, une semence « régionale » ne serait pas impensable. 

Quelle proportion du revenu de l’entreprise provient de la vente de semences aux agriculteurs professionnels ?

Noémi : Si on définit un agriculteur professionnel comme une personne tirant un revenu de son activité agricole, un peu plus de la moitié de notre chiffre d’affaires provient de la vente aux professionnels. 

Quel est le fonctionnement économique de Sativa ?

Amadeus : Notre travail, en particulier celui de la création variétale et de la sélection de conservation, est un travail coûteux en temps et en argent. D’un point de vue purement économique, les coûts sont fortement supérieurs à ce que pourrait permettre notre chiffre d’affaires.

La partie commerciale de Sativa, c’est-à-dire la vente de semences, doit être rentable. Ceci exige beaucoup d’efforts, mais c’est la réalité que connaît toute entreprise. C’est la raison pour laquelle nous devons constamment adapter notre assortiment et retirer certaines variétés de notre offre, parce qu’elles sont vendues en trop petit nombre. Jusqu’à présent, le nombre de variétés dans le catalogue a cependant sans cesse augmenté. 

Dans l’autre partie de Sativa, c’est-à-dire celle de la création variétale, nous pouvons faire autant que ce qui est financé. Cela signifie que nous devons calculer et planifier le travail à nouveau chaque année. L’entreprise couvre une partie des dépenses, entre autres à travers l’infrastructure, qui est financée par les bénéfices de la vente de semences et mise à disposition des sélectionneurs/sélectionneuses. La station de nettoyage, par exemple, dispose de toutes les machines nécessaires et peut être utilisée par les sélectionneurs/sélectionneuses pour nettoyer et calibrer leur semence. 

A côté de cela, nous avons besoin d’un financement externe, qui représente aujourd’hui env. 2/3 du budget de la création variétale. Notre travail est possible uniquement grâce au soutien de nombreux partenaires. Nous faisons des demandes de financement auprès de fondations ou recevons des soutiens financiers d’entreprises de la filière bio. Ces dernières nous demandent de développer des variétés dont elles ont besoin, comme par exemple des tournesols adaptés aux conditions de culture bio. 

Un autre soutien vient des producteurs/productrices bio, qui acceptent de nous mettre à disposition des terrains pour un prix avantageux. 

Sativa est une société anonyme. Elle est soutenue par env. 450 actionnaires. Un tiers des actions appartiennent à des employés de Sativa. Plusieurs fondations ont aussi des actions. La majorité des actionnaires sont des clients de Sativa. Ils soutiennent notre travail en mettant à disposition du capital dont nous avons besoin pour notre travail, tout en attendant des rendements d’abord idéels (Sativa ne paie pas de dividendes). 

Nos collaborateurs et collaboratrices apportent aussi une contribution importante. Avec la taille actuelle de l’entreprise, les activités sont plus divisées qu’il y a 15 ans. Si on prend la moyenne des salaires, on peut dire que nos collaborateurs/collaboratrices gagnent env. 20-30% moins que ce qu’ils gagneraient en Suisse pour un travail semblable.


Joël Mützenberg – Semences de pays

Joël est artisan semencier dans l’association Semences de pays, à Genève.

Comment est née l’association Semences de pays ?

Genève, pendant plusieurs siècles, est un lieu important de culture maraîchère. De nombreuses variétés de légumes naissent du patient travail des maraîchers semenciers de la région.

L’activité semencière disparaît par la suite de notre canton, le maraîchage genevois étant profondément transformé par l’agro-industrie et ses solutions miracles : semences hybrides, pesticides, hors-sol. Dans les années 80 déjà, seulement 2% des semences de légumes semées en Suisse y sont produites. L’avenir radieux que nous promet la révolution verte montre petit à petit ses dimensions cauchemardesques et suscite la résistance des paysans du Sud, auxquels se joignent ceux du Nord, formant ensemble la Via Campesina, organisation mondiale porteuse du projet de souveraineté alimentaire.  Par ailleurs, en Suisse, ProSpecieRara travaille à la sauvegarde des variétés anciennes en mobilisant entre autres les jardiniers amateurs qui s’inquiètent de la perte de biodiversité. A Genève, sur l’exemple des Jardins de Cocagne, se développe progressivement un chapelet d’initiatives agricoles contractuelles de proximité (ACP), forme de distribution qui permet une production locale diversifiée et donne aux habitants de la région la possibilité de décider ce qui sera cultivé, comment et dans quelles conditions sociales. Logiquement, toutes ces ACP font le choix de l’agriculture biologique.

L’association Les Artichauts est créée en 2008 pour fournir à ces ACP des plantons bios. Et, finalement, en 2009 apparaît notre association, Semences de pays, pour compléter cette filière en produisant localement des semences de variétés adaptées à l’agriculture biologique, dans les conditions climatiques de la région, et en relation avec les pratiques culturelles vivantes qui nous entourent. Nous connaissons les champs dans lesquels poussent nos variétés et les prénoms de celles et ceux qui les cultivent.

Qu’est-ce qui t’a amené à produire des semences ?

L’organisation de notre vie quotidienne nous échappe. Nous ne construisons pas les maisons que nous habitons, trouvons notre nourriture dans les supermarchés, et nos médicaments dans les pharmacies.

Nous sortons de l’école secondaire incapables de nous nourrir par nous-mêmes, de nous soigner par nous-mêmes ou de nous construire un toit. Ceux qui ont vraiment leur mot à dire sur notre vie quotidienne, ce sont les promoteurs immobiliers, les industriels, les assurances, les banques et la grande distribution.  Je n’ai jamais accepté cette situation. Travailler à Semences de pays, en lien avec d’autres personnes de la région s’organisant pour leur souveraineté alimentaire, me permet d’essayer de mettre fin à cette dépendance.

Comment décrirais-tu ce métier ?

Le travail artisanal de produire des semences maraîchères est en partie le même que celui de cultiver des légumes. Dans les champs, une différence importante est que nous laissons certaines plantes pousser beaucoup plus longtemps pour qu’elles poursuivent leur développement jusqu’au stade de la reproduction, c’est-à-dire de la graine. De plus, ces plantations doivent être organisées dans le temps et l’espace de manière à éviter certains croisements. Mais surtout, le travail de culture est accompagné en permanence d’un travail d’observation, sur lequel se basent nos sélections. 

Au sein même de chaque variété, chaque individu est différent. Si on choisit de laisser monter en graine la moitié des choux qui a les feuilles les plus foncées ou celle qui a les feuilles les plus claires, la nouvelle génération qui en découlera sera différente. Nous pouvons ainsi, juste en choisissant quelles plantes garder pour la production de semences, amener progressivement une variété à se transformer. Ces transformations survenues dans les variétés sont la conséquence de nos choix parmi des possibilités préexistantes dans les plantes. Elles se sont produites de par l’activité des plantes elles-mêmes. Elles leur appartiennent. Notre lien avec nos variétés est purement affectif. Ce lien s’insère dans une longue histoire, commencée il y a des siècles, que nous continuons.

Sur quelles bases déterminez-vous vos critères de sélection ?

Notre sélection se base sur ce que les plantes nous montrent, sur ce que les personnes qui les ont sélectionnées par le passé nous racontent et sur les exigences des personnes qui vont les cultiver. Ainsi, d’une part nous cherchons à connaître les critères de sélection des paysans ou des artisans semenciers dont nous avons repris les variétés, pour travailler en continuité avec leur sélection. Pour cela, nous avons privilégié les variétés sélectionnées par notre voisin François Grosjean ou par des maraîchers de notre entourage, qui peuvent nous transmettre, en même temps que les graines, les connaissances qui les accompagnent. D’autre part, nous cherchons à connaître l’avis des personnes qui pourraient par la suite cultiver ces variétés ou les manger, pour que cette sélection soit celle de la filière alimentaire dans laquelle nous nous inscrivons. Nous avons donc, depuis les débuts de Semences de pays, observé nos variétés avec les maraîchers qui les cultivaient, parfois sélectionné avec eux, et organisé des comparaisons gustatives. Mais la mise en place d’un processus systématique de sélection collective prendra beaucoup de temps et nécessitera une appropriation des enjeux de sélection par tous les échelons de la filière. 

Comment construire des filières alimentaires autonomes, de la semence à l’assiette ?

Malgré la disparition d’innombrables variétés locales depuis le début du 20ème siècle, il y a encore bien assez de variétés reproductibles de qualité et capables des variabilités nécessaires pour être cultivées dans une grande diversité de terroirs. Beaucoup de ces variétés sont encore aux mains des paysans, principalement dans les pays du Sud, et chez les semenciers artisanaux dans les pays du Nord.

Mais pour que ces variétés continuent à exister et ne se détériorent pas, il faut les utiliser. Or, la concentration de la propriété de la terre, et l’industrialisation de la production qui va avec, impliquent un choix variétal très restreint.

Si un maraîcher qui a un pouvoir de décision sur ce qu’il produit peut choisir ce qu’il va cultiver, ce n’est pas le cas de celui qui livre ses légumes aux grandes chaînes de distribution. Actuellement, en Suisse, les chaînes de supermarchés sont en position d’imposer leurs conditions même aux structures agricoles les plus grandes. Seules les petites exploitations, qui peuvent écouler toute leur production dans des circuits courts, peuvent réellement choisir ce qu’elles cultivent. 

En Europe occidentale, où les paysans ont à quelques exceptions près cessé de produire leurs propres semences depuis plusieurs décennies, cela signifie réapprendre à choisir ses semences et à en produire. C’est une tâche difficile car, pour les paysans du 20ème siècle, c’était devenu totalement normal que les agronomes leur disent quoi semer, et quand, et leur prescrivent les doses et dates de traitements. 

Ce qui manque donc pour remettre en route des productions de semences artisanales destinées à l’agriculture, ce sont des paysans qui les cultivent! C’est une agriculture paysanne, avec ce que cela signifie d’autonomie des choix culturaux et d’indépendance au niveau de la distribution. Une agriculture qui ne court pas après les tendances, mais se construit en incluant l’ensemble des personnes concernées.

En effet, une filière alimentaire autonome n’est possible que si les différents maillons de la chaîne réfléchissent ensemble au système alimentaire qui les relie. Et pour que réellement cette réflexion se mène ensemble, les consommateurs doivent comprendre les tenants et aboutissants de la production. Si leur expertise augmente, ils peuvent dépasser le rôle qui leur est assigné habituellement de choisir entre le bio industriel qui a parcouru des kilomètres, l’agro-industrie locale, ou tel stand sur le marché auquel ils se fient parce que le vendeur a une bonne tête ou un bon label. 

Alors qu’une poignée de multinationales se partage le monopole des semences, imposant un modèle d’agro-industrie dévastateur, Semences de pays participe à la construction d’un système alimentaire local et solidaire. Produire collectivement la nourriture que nous voulons est la base de l’autonomie de tout regroupement humain. L’activité de Semences de pays ne prend sens que dans une dynamique d’intégration paysanne régionale participant à un mouvement global d’émancipation.


Uphorbak – Sénégal

Entretien avec des artisans semenciers d’Uphorbak. Uphorbak est une association de maraîchers du Nord-Est du Sénégal, qui travaille sur les semences locales. L’entretien débute dans le bureau de l’association, avec Samba Kâ, secrétaire général et Moussa Ndiaye, technicien.

Moussa Ndiaye : Nous avons toujours dit « producteur de semences » mais le nom « artisan semencier » est excellent. Nous l’adoptons.

Samba Kâ : Nous avons formé des artisans semenciers qui sont aujourd’hui libres de tous mouvements. Nous devons utiliser la filière, être en amont et en aval. Et ainsi conduire la barque sans chavirer.

L’artisan semencier est normalement lui-même producteur. Cela rassure les autres producteurs, car c’est un pair. C’est le gage de la qualité du produit proposé. Dans le programme de l’association, nous voulons qu’il y ait un artisan semencier au niveau de chaque exploitation et ainsi ne fonctionner qu’avec les semences produites par les artisans.

Il nous faut faire un inventaire des semences disponibles pour construire un catalogue et examiner les spécificités et qualités de chaque espèce. Cela permettra d’identifier les semences recherchées par les différents acteurs et de les installer dans les marchés. Suite à nos recherches sur le marché, nous avons identifié quels types de piments sont recherchés.

Avec la mondialisation, la semence traditionnelle peut être détournée et produite ailleurs.

Moussa Ndiaye : Ceux qui pensent aujourd’hui qu’ils auront la possibilité de breveter des semences n’ont pas encore gagné. La première chose à faire est de rassembler l’information et de connaître son patrimoine. Par exemple le violet de Galmy, oignon traditionnel de la région, a été reconnu comme local et ne peut être breveté par les firmes.

Samba Kâ : Nous ne sommes pas intéressés par les transactions financières autour des semences. Nous souhaitons qu’entre artisans la production soit pérenne. Comme nous sommes liés à une logique économique, nous devons parfois lâcher, mais la question centrale est, pour nous, la souveraineté alimentaire.

Moussa Ndiaye : Depuis 10 ans, nous constatons que nos semences sont adaptées au changement climatique. La pratique de l’artisan semencier, qui fait retourner la semence à la terre, permet de garantir l’évolution des semences. C’est la pratique paysanne qui permet l’adaptation au changement climatique.

Arrivée d’Abdoulai Ly et de Mamadou Barra, artisans semenciers membres de l’association.

Abdoulai Ly : Les producteurs ne sont pas sûrs des semences locales. Quand on dit locales, certains doutent. Quand ils essaient, ils s’y retrouvent.

L’écoulement de la production, l’absence de label, les outils inadéquats posent problème. Nous voulons également le renforcement des capacités par des formations pour être plus solides.

Quand c’est bio, parfois il y a trop d’attaques. On réagit avec les moyens du bord, eau savonneuse, cendres, mélange piment et ail. Le savon repousse beaucoup d’insectes. Cela tue les vers. Les fruits du nim sont aussi efficaces.

Mamadou Barra : Les semences traditionnelles ne changent pas. Les semences importées ont une durée de vie limitée. Quand on perd les semences traditionnelles, c’est une valeur qui s’en va. Avec les hybrides, il faut tout le temps racheter des graines.

Nos semences, nos pères les ont trouvées, leurs pères les ont trouvées, elles sont toujours intactes. C’est le gros avantage. C’est également important au niveau symbolique de s’inscrire dans une lignée.

Samba Kâ : Il faut travailler à l’échelle familiale, locale et nationale. Le meilleur moyen de conscientiser la population, c’est l’échelle du village. Maintenant, il nous faut essayer de travailler à l’échelle nationale.

L’association permet de regrouper les producteurs face aux intermédiaires. Nous créons le lien entre artisans. Quand cela est fait, l’artisan peut donner ou vendre à un prix qui ne soit pas excessif. Nous demandons à nos membres de ne pas être dans une logique marchande. Nous suggérons de ne pas l’être.

Abdoulai Ly : Pour le piment,  d’abord on récolte,  mais surtout on sélectionne. Il faut casser, mettre dans l’eau. On remplit les deux bassines, on met de l’eau jusqu’au lendemain. Il faut ensuite sortir les graines, filtrer l’eau. Puis sécher et trier. On amène ensuite les graines aux techniciens.

Moussa Ndiaye : Je fais le test de germination. Quatre fois cent graines. Je compte les levées. Comme ce n’est pas certifié par la recherche, on ne peut pas l’écrire sur l’emballage, mais l’information circule bien au niveau local.

L’entretien se poursuit dans les champs, en commençant par une visite à Mamadou Gueye, dans son champ au bord du fleuve Sénégal.

Mamadou Gueye : Je récolte tous les dimanches mes piments. La récolte dure quatre mois. J’ai arrêté les traitements des plants depuis longtemps. Ce n’est pas bon pour la santé. Et c’est cher.

J’ai acheté des graines l’an dernier, maintenant je fais mes semences. Les graines prennent le climat. Elles s’adaptent. Ça te fait moins de dépenses. On n’avait pas cette expérience avant. J’ai fait plusieurs formations et maintenant je produis toutes mes semences. Maintenant, c’est plus rentable. Les oignons sont plus gros car ils sont adaptés. Après deux campagnes, j’ai vu la différence. Je produis deux fois plus qu’avant depuis que je fais mes graines.

C’est très difficile de faire la pépinière avec les graines achetées, car elles ne montent pas. Avec mes graines, c’est du 100%. On plante d’abord au bord du fleuve pour faire monter les graines, puis on transplante dans les champs.

On se déplace à nouveau, autour de nous poussent papayers, aubergines, manioc, poivrons, bananiers, piments antillais, piments Big-Sun, piments Sofia et piments Bombardier, persil, basilic, courges, menthe, choux, laitues patates, maïs, patate douce, tomates, betteraves, concombre rholinié, aubergine amère et niabé. Nous rencontrons Isaa Coulibaly et d’autres cultivateurs, toujours avec Moussa, le technicien de l’association. 

Moussa Ndiaye : Les piments et les papayers sont plantés ensemble. Les papayers jouent le rôle de brise vent et protègent les piments du soleil pendant la saison chaude. On mélange choux et tomates. L’ennemi des choux mange l’ennemi des tomates. L’ennemi des tomates mange l’ennemi des choux.

Isaa Coulibaly : Il y a 5 ans, on a commencé avec un petit jardin. Avant, on ne produisait pas tant. On a étudié et conclu que l’on pouvait avoir des récoltes toute l’année. 

On mélange les arbres avec les légumes. Tu plantes des papayers avec d’autres légumes. Toute l’année on récolte avec ce système. Janvier, piments, puis patates et navets. Ensuite c’est les oignons. Si le piment ne marche pas, l’aubergine arrive, si l’aubergine ne marche pas, c’est l’aubergine africaine, puis l’oignon, etc. La papaye produit toute l’année, après 8 mois de croissance. 

Moussa Ndiaye : Il n’a pas d’autre métier, c’est le jardin et il s’en sort !

Isaa Coulibaly : Non, je n’arrive pas à épargner. Cette année, l’année est difficile. Le prix du piment a chuté, la saison a connu peu d’eau. Il n‘y a pas de subventions de l’état. Le maraîchage est peu subventionné.

Moussa Ndiaye : Comme il n’est pas artisan semencier, il n’a peut-être pas produit correctement. Il travaille différemment sans sortir la graine du piment, mais fait une bouillie. Cela est moins efficace. Il va s’inscrire au programme. Il faut être posé, pas pressé, la semence c’est ça. Il faut observer.

Isaa Coulibaly : Nous sommes ici depuis de nombreuses générations. C’est des terres que l’on ne vend pas. La tradition familiale raconte que l’on s’est battu pour cette terre. Mon grand-père a tout fait pour cette terre, puis mon père est venu. Mon père est décédé, et maintenant nous sommes là.

Arrivée tardive de Daouda Diarra.

Daouda Diarra : Je plante du maïs précoce. Une fois mûr, je récolte et je prends les feuilles pour le bétail. Je brûle le reste et je mélange les cendres à la terre comme engrais, puis je plante les oignons. Le maïs a le plus besoin d’eau, je le plante en premier, car la nappe phréatique est près du sol. Puis, je plante l’oignon, moins gourmand. Je ne fais que les semences d’oignons et de piments.

Des fois on va acheter des pots (les semences du commerce), des fois on prend les semences locales. Les pots ont plus de rendement que les semences que je produis. Quand les piments Big-Sun ne poussent pas bien, je complète avec les semences locales.

J’attends que le piment soit mûr, je cueille les fruits, j’enlève les gaines, puis je fais sécher les graines sous les arbres et je les stocke dans une boîte. Je n’ai pas suivi le cours de production de semences de l’association. Je suis la méthode traditionnelle.

Moussa Ndiaye : La production de graines des artisans semenciers ne suffit pas à combler la demande. Du coup, les semences importées gardent une grande importance.

On finit notre tour par la visite du champ de Samba.

Samba Kâ : Nous avons introduit le potager dans la région. Il y a 15 ans, il n’y avait pas de légumes. Le problème c’est que tout le monde fait la même chose. Si la pastèque se vend cher, tout le monde fait de la pastèque au lieu de diversifier les filières.

C’est une zone inondable. Il faut trouver des solutions adaptées qui prennent cela en compte. L’inondation est une catastrophe, mais on pourrait transformer la catastrophe en opportunité. Comment faire pour utiliser cette eau ? Le riz flottant pourrait être une solution, mais quelle variété ? Comment contenir les fonctionnaires pour pouvoir réellement exister ? Cette année, du riz a été planté. L’inondation l’a détruit. Nous avions travaillé dans le respect du calendrier cultural. On est parti à l’aventure, on a semé à nouveau et on a récolté du riz. Tout cela suppose la disponibilité en semences pour pouvoir tester et innover. On a perdu la première récolte, mais comme on avait nos semences, on a pu replanter en dehors du calendrier et récolter. Moins que prévu, mais assez quand même.

En ce qui concerne la semence d’oignons, nous avons deux organisations de productrices et trois paysans qui sont également des artisans semenciers. Pour les piments, nous regroupons trois artisans semenciers et une organisation de productrices.

Il y a un fort potentiel pour les semences. J’ai 10 hectares d’oignons. Cela représente des kilos de graines. Je veux produire mes propres semences pour l’ensemble. Le but est d’autonomiser la région à long terme. À court terme, il faut former les organisations de productrices locales et les artisans semenciers.

Quand il y a de l’eau, je produis beaucoup de semences. Je peux produire 80 kilos de semences. Celles dont j’ai besoin, environ 4 kilos, et je vends le surplus. C’est très intéressant économiquement. Je peux les vendre largement au-dessous du prix du marché. Je fais de l’oignon et du piment. Ces 80 kilos ne représentent pas le tiers de ce dont nous avons besoin. L’association aurait besoin de 480 kilos.


Tulipan Zollinger – Zollinger

Zollinger est une entreprise semencière artisanale biologique située dans le Chablais valaisan. Elle produit la majorité des semences de son catalogue sur son exploitation agricole. Toutes ses variétés sont reproductibles.  Tulipan est artisan semencier à Zollinger.

Pourquoi fais-tu ce métier ?

Je suis littéralement tombé dans les graines par ma famille : mes parents ont fondé notre entreprise semencière en 1984, l’année de ma naissance !

Comment le décrirais-tu ?

Je suis fasciné par la densité d’information que les graines contiennent : ce minuscule volume contient toutes les informations nécessaires au développement d’une plante. Les plantes n’ont bien sûr pas besoin de nous, c’est bien le contraire : nous nous voyons plutôt comme des gardiens-accompagnateurs de nos variétés pendant leur cycle de reproduction.

Comment déterminez vous vos critères de sélection ?

La plupart de nos variétés ont traditionnellement évolué dans les jardins paysans. Une symbiose se formait entre les variétés qui nourrissaient la population, et les cultivateurs qui leur permettaient de se reproduire. Nous essayons de préserver cet esprit en respectant autant les variétés que le travail de nos ancêtres, tout en permettant à ces cultures une évolution et adaptation à des critères de production modernes. Les méthodes de culture, le climat et les préférences des consommateurs changent, et nous « coachons » nos variétés pour ce futur !

Sur la base de quelles connaissances travaillez-vous ?

Notre famille a accumulé quatre décennies de savoir-faire semencier. Mon frère Tizian et moi-même avons complémenté ceci par une partie plus théorique sous la forme d’un master en génétique et sélection de plantes.

Comment amener les maraîchers à utiliser vos semences ?

Nous visons avant tout les petits maraîchers qui font de la vente à proximité. Afin de pouvoir offrir une vraie plus-value à leurs clients, ils doivent offrir des spécialités et des produits qui se démarquent au niveau gustatif, et ils se tournent donc vers nos variétés.

Qu’est-ce qui empêche, en Suisse, qu’une production de semences destinées à l’agriculture soit rentable par elle-même, sans les apports d’activités annexes ?

Notre existence prouve que la production de graines de spécialités est rentable. Pour des produits à haute valeur ajoutée comme les légumes, la part des graines sur les coûts totaux de production est négligeable, mais le choix de la variété a une énorme influence sur la qualité.

Ceci n’est pas le cas pour des denrées comme le maïs ou le blé : la sélection de nouvelles variétés coûte cher, mais la différenciation entre plusieurs variétés est négligeable. Ces coûts ne se laissent amortir que sur d’énormes volumes, et donc, seule une poignée de semenciers peut se spécialiser dans ce domaine.

Bouclons la boucle

Intégrons les semences dans le circuit court

Par avions, par cargos, par camions, des millions de tonnes de nourriture sont transportées à travers le monde, avec ce que ça implique de pollution, de consommation de pétrole, d’emballages, de lieux de stockage. Après avoir détruit les forêts primaires, après avoir chassé les communautés paysannes, l’industrie agroalimentaire empoisonne la terre, l’air, l’eau, la faune, la flore, les consommateurs et les travailleurs agricoles.


Qui aime manger du poison ? Qui trouve logique de transférer d’un coin à l’autre du monde ce qui pourrait avoir été produit sur place? Pour répondre à ces préoccupations, les supermarchés mettent bien en avant leurs rayons de produits locaux et de produits bio. Mais qu’est-ce qu’on y trouve ?


La « tomate genevoise » des supermarchés, symbole de production locale, n’a vécu que sa vieillesse à Genève. Hors-sol, elle a été nourrie au goutte-à-goutte sur un substrat qui n’est en rien typique de la région. Elle était planton en Hollande ou en Espagne, semence en Inde ou au Brésil.


Les produits bio viennent, eux, des quatre coins du monde, et l’équivalent des produits polluants qui n’ont pas été déversés dans les champs a finalement été utilisé pour le transport de cette marchandise.


Mais, de plus en plus, paysans et consommateurs mettent sur pied des filières agricoles basées sur le lien direct, la proximité et la transparence. Nous pouvons ainsi nous nourrir de produits bio locaux et discuter de tous les aspects de la production. Notamment de la provenance des semences et des plantons, le chaînon manquant pour boucler la boucle du circuit court !


En effet, si un petit producteur bio fait une partie de ses plantons et de ses semences lui-même, il peut en même temps avoir commandé des plantons produits dans un cadre d’agriculture industrielle, avec des graines hybrides, pour la production desquelles des manipulations génétiques, des pesticides et des hormones de croissance ont pu être utilisés.


Ces choix du petit producteur bio découlent d’un exercice d’équilibrisme entre différentes exigences des consommateurs, qui ont été habitués par des décennies d’agriculture industrielle à des produits standardisés, et à des prix très bas, rendus possibles par une surexploitation des sols et d’une main d’œuvre sous-payée.


Pour boucler la boucle du circuit court, il faut renforcer la collaboration entre cultivateurs, producteurs de plantons et producteurs de semences. Il faut rendre visibles toutes les étapes de production des aliments. Mentionner d’où provient la semence et comment elle a été produite. Que le légume soit accompagné tout au long de son parcours de son nom de variété,  comme on le fait pour les cépages. Nous pourrons ainsi décider ce que nous mangeons et dans quelles conditions cette nourriture est produite.


Par villages, par quartiers, nous pouvons mettre en place des projets alimentaires dont la totalité du cycle de production soit conçue collectivement. En y intégrant l’étape de la reproduction, nous nous donnons les moyens d’un projet alimentaire pérenne, que nous pouvons nous-mêmes reproduire et développer année après année.


Sans souveraineté semencière, il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire.

Entrons en dialogue de la cuisine au champ, reprenons le contrôle de notre alimentation et de nos manières d’habiter ce monde!

Glossaire

ADPIC : Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce

AELE : Association Européenne de Libre-Échange. Les États membres de l’AELE sont l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.

Allogames : Les plantes allogames produisent un pollen incompatible avec elles-mêmes, nécessitant ainsi une autre plante comme réceptrice de ce pollen. Dans d’autres cas, il s’agit de plantes dont une partie est uniquement mâle et l’autre femelle, ce qui revient au même : ces plantes ont besoin d’être deux pour se reproduire.

AMAP : Association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Les adhérents d’une AMAP concluent, avec un ou plusieurs producteurs, un contrat les engageant à acheter à l’année tout ou partie de leur production.

Autogames : Les fleurs de plantes autogames comprennent les organes reproductifs mâles et femelles. La pollinisation a lieu dans la fleur fermée, laissant rarement la place à du pollen provenant d’autres plantes.

Banque de semences nationale : De nombreux pays ont constitué des collections de plantes, conservées en grande partie sous forme de graines congelées, comme matériel de base pour d’éventuelles utilisations dans le cadre de la recherche agricole.

Biodynamie : L’agriculture biodynamique a été fondée par Rudolf Steiner en 1924. Elle est basée sur une approche globale et le respect des « forces du vivant ». 

Calibrer : Trier par taille les graines pour obtenir des semis réguliers lors des semis mécanisés.

Enrobage de semence : Technique consistant à déposer de la matière autour de la semence pour en modifier la forme ou la taille, en vue de faciliter le semis.

Porte-graine : Plante dont on a choisi de récolter les graines, et que l’on cultive en conséquence. 

Précocité : Capacité à arriver à maturité plus rapidement.

Prégermination : Technique consistant à imbiber les semences de façon à initier les premières phases de germination, puis à bloquer cette germination avant que l’embryon ne commence sa croissance.

Production Intégrée : P.I., label pour l’agriculture utilisant des produits chimiques de synthèse de manière limitée.

Souveraineté alimentaire : La souveraineté alimentaire désigne le droit d’une population à définir sa politique agricole et alimentaire, sans nuire à d’autres populations. Voir « Qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ? » sur le site www.uniterre.ch.

UPOV : Convention internationale pour la protection des obtentions végétales

Variété hybride ou Hybride F1 : Première génération issue d’un croisement entre deux variétés. Technique complexe et coûteuse, elle est inabordable pour les paysans. En outre, les générations suivantes ne se reproduisent pas fidèlement et sont donc inutilisables. Voir l’encadré n°2.

Écoles

L’exposition et l’éducation au développement durable

L’exposition se prête résolument à entrer concrètement dans une démarche d’éducation au développement durable, que ce soit lors d’une journée ou d’une semaine thématique, ou en étant exposée plusieurs semaines dans un établissement.

En effet, les semences sont susceptibles de faire intervenir différents points de vue et différentes perspectives dans la construction d’un savoir réellement interdisciplinaire, mettant en lumière des pratiques tant durables que non durables, et permettant de démontrer nombre d’interactions et d’interdépendances entre différents acteurs, avec le milieu naturel et à différentes échelles.

Pour faire encore plus sens pour les élèves, les semences peuvent également être étudiées très concrètement en classe, à peu de frais pour les établissements scolaires. C’est pourquoi nous proposons de compléter l’exposition par des ateliers donnés par des intervenants externes, membres de l’association Semences de Pays. Ces ateliers expliqueront et encourageront les élèves à faire leurs propres semis, observer les différents stades de croissance des plantes, en prendre soin, puis récolter leurs semences. Il s’agira ainsi de développer l’autonomie ou la coopération entre élèves et la responsabilisation sur une certaine durée.

De plus, le modèle économique que proposent des associations comme Semences de Pays et les Jardins de Cocagne à Genève, ou les artisans semenciers du Sénégal qui apparaissent dans l’exposition, répondent au besoin de pouvoir proposer des alternatives concrètes et réalistes à des systèmes peu durables, tout en intégrant les notions d’altérité et l’étude de modes de décisions participatifs, horizontaux, qui sous-tendent ces initiatives.

Le dispositif de l’exposition (taille des images, aspect modulaire des présentoirs des affiches, pouvant ainsi être dispersés à divers endroits d’un bâtiment scolaire) doit dans un premier temps interpeller, questionner puis susciter l’intérêt progressif des élèves. Le texte introductif et les citations des semenciers qui accompagnent les photographies vont permettre une problématisation globale, voire propre aux diverses branches susceptibles d’apporter leur regard spécifique sur la thématique.

Pistes pédagogiques

En complément à la visite de l’exposition, nous vous proposons ci-après des pistes pédagogiques d’approfondissement par disciplines. Des ressources bibliographiques correspondant à chaque thématique sont disponibles sur le site sous l’onglet « Ecoles ».

Les disciplines que nous avons sélectionnées sont :

  • Les sciences expérimentales
  • Le droit
  • L’histoire
  • La géographie
  • L’économie politique
  • L’éducation citoyenne et philosophie
  • Les arts visuels

Un atelier sur la sélection et la récolte de ses propres semences, mené par Joël Mutzenberg de l’association « Semences de Pays », est proposé sur demande à l’adresse suivante : joel@semencesdepays.ch.

A venir, pas encore disponible – Nous vous proposons finalement un quiz qui est disponible sur le site “kahoot.com”, pour lequel vous trouvez la procédure ci-dessous, si vous souhaitez le soumettre à des élèves après avoir vu l’exposition.


Sciences expérimentales

  • De la semence à la plante
  • Évolution, sélection naturelle
  • De la plante sauvage à la variété cultivée
  • Les techniques de sélection traditionnelles des semences
  • Les techniques d’hybridation des semences
  • Les OGM
  • Éthique et brevetage sur le vivant

Droit

  • Législations semencières à plusieurs échelles : en Suisse, dans l’Union Européenne, au niveau international, la cas français qui a inspiré la législation internationale
  • Les enjeux de la propriété intellectuelle appliquée au cas des semences : réglementations, protections, brevets
  • Le cadre réglementaire des semences paysannes et les semences libres de droits face aux semences industrielles

Histoire

  • Histoire générale de l’agriculture
  • Histoire de la propagation des légumes et des fruits
  • Histoire du goût et de son évolution
  • Histoire de l’industrialisation de l’agriculture
  • Histoire des organisations internationales en lien avec l’alimentation et de leurs rôles (FAO, OMPI, OMC…)
  • Histoire des pratiques de la paysannerie traditionnelle en Suisse, en Europe, ailleurs…

Économie politique / géographie économique

  • Étude du marché international des semences industrielles, un exemple d’oligopole
  • L’OMC, les ADPIC et le marché international des semences
  • Utiliser le marché des semences pour comparer différentes formes d’organisations d’entreprises : firmes multinationales (Syngenta), entreprise locale (Zollinger), structure associative (Semences de Pays)
  • Mondialisation des marchés agricoles et du marché des semences
  • Semences et souveraineté alimentaires / droits des paysans au Nord et au Sud
  • Produire ses propres semences, un exemple de relocalisation
  • Le rôle des organisations internationales dans l’organisation du marché des semences

Éducation citoyenne / philosophie

  • L’influence des lobbies industriels et associatifs dans les processus décisionnels concernant les semences dans l’Union Européenne
  • Les réseaux citoyens d’échanges de semences populations (semences libres de droit)
  • L’ONU, la Suisse et les droits des paysans face aux multinationales
  • Étude du fonctionnement associatif à travers une association active dans la préservation des semences paysannes en Suisse
  • Débat, dilemme éthique : peut-on breveter le vivant, comme c’est le cas pour certaines plantes que l’on a croisé avec des variétés sauvages que l’on trouve dans la nature ?

Arts visuels

  • Exposé sur un(e) photographe (biographie, genre photographique, technique argentique ou numérique, analyse d’un de ses travaux, analyse de 3 photos de l’exposition)

Littérature générale

sur la reproduction végétale et les systèmes semenciers

  • Théorie générale
  • Sélection végétale
  • Semences, un thème très politique
  • Semences paysannes et réseaux semenciers
  • Cadre légal national
  • Conventions internationales

Théorie générale

  • Jean-Baptiste Lamarck : Philosophie zoologique, Flammarion, 1994 (1809)
  • Charles Darwin : La Variation des animaux et des plantes à l’état domestique, Champion, 2015 (1868)
  • Alphonse Pyrame de Candolle : Origine des plantes cultivées (1883)
  • Nikolaï Vavilov : La théorie des centres d’origine des plantes cultivées, Petit Génie, 2015 (1926)
  • André Pichot : Histoire de la notion de gène, Flammarion,  1999
  • Jean-Jacques Kupiec : De l’origine des individus, Fayard, 2008
  • Bertrand Louart : L’autonomie du vivant, brochure, 2008
  • Lien vers vidéo : reproduction des végétaux


Sélection végétale


Semences, un thème très politique


Semences paysannes et réseaux semenciers


Cadre légal national


Conventions internationales

Artisans et organisations

Artisans semenciers et organisations paysannes


Artisans semenciers


Organisations paysannes


Grainothèques

Défense et lutte

Défense de la biodiversité cultivée, lutte contre la privatisation du vivant


Agriculture générale et alimentation


  • Tomates hors-la-loi, légumes en résistance: qui décide de ce que nous mangeons? », article dans « Le Temps » du 23 octobre 2016, d’Olga Yurkina
  • M. Mazoyer et L. Roudart, Histoire des agricultures du monde, Seuil, 2002
  • Jean-Paul Collaert, Céréales: la plus grande saga que le monde ait vécue, Rue de l’Echiquier, 2013
  • Jacques Attali, Histoires de l’alimentation: de quoi manger est-il le nom?, Fayard, 2021
  • Walden Bello, La fabrique de la famine: les paysans face à la mondialisation, Carnets Nord, 2012
  • Sébastien Abis et Pierre Blanc, Géopolitique de l’agriculture: 40 fiches illustrées pour comprendre le monde, Eyrolles, 2020
  • Alain Nonjon, Géopolitique de l’alimentation, Ellipses marketing, 2012
  • Sylvie Brunel, Pourquoi les paysans vont sauver le monde: la troisième révolution agricole, Buchet-Chastel, 2020
  • Marcel Mazoyer… [et al.], Via Campesina: une alternative paysanne à la mondialisation néolibérale, Cetim, 2002
  • Pierre Raffard, Géopolitique de l’alimentation et de la gastronomie: de la fourche à la FoodTech, Le Cavalier bleu, 2021